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Le 24.06.2018:Exposition : Gravité Zéro, l’aventure de l’espace réinventée par les artistes

 

L’exposition "Gravité Zéro. Une exploration artistique de l’aventure spatiale" est à voir aux Abattoirs (musée-FRAC Occitanie) de Toulouse. Rencontre avec Gérard Azoulay, responsable de l’Observatoire de l’Espace du CNES.

Journey to Mars, 2016, installation avec papier peint et video, durée : 5’10

JOURNEY TO MARS, 2016, INSTALLATION AVEC PAPIER PEINT ET VIDEO, DURÉE : 5’10

HALIL ALTINDERE, © COURTESY DE L’ARTISTE ET DE LA PILOT GALLERY, ISTANBUL

"Gravité zéro", émerveillement maximum ! Visiter l'exposition consacrée à l'aventure spatiale au Musée des Abattoirs de Toulouse c'est plonger, par paliers historiques et décalages visuels excitants, dans un univers dont la richesse d'inspirations paraît inépuisable. Née de la collaboration entre le musée et l'Observatoire de l'Espace –le laboratoire culturel du CNES- la mise en scène rassemble à la fois des œuvres issues des collections de ce dernier et des réalisations historiques. Le surprenant "Rocket pneumatique" (1962) d'Yves Klein, un projet de fusée "à accélération par pulsations progressives à l'infini", et le "Moon Museum" (1969) de Forrest Myers, minuscule musée destiné à emmener sur la Lune des dessins de grands artistes de l'époque, racontent la fascination des débuts, et entrainent le spectateur en orbite. La portée universelle du rêve du voyage dans l'espace, l'interrogation sur les fondements et les conséquences de ce désir, sa dimension parfois comique, voire ses aspects politiques, émergent des photos, des vidéos, des visions en réalité virtuelle proposées aux visiteurs. Mais si l'influence de la science-fiction n'est pas bien loin, un grand nombre de créations repose néanmoins sur le terreau bien réel de la recherche scientifique, que l'Observatoire de l'Espace, en tant que commanditaire ou accompagnateur de projets, incite les artistes à prendre en compte, pour mieux la transcender. Comme le raconte son responsable, Gérard Azoulay.

Loïc Pantaly, Projet SSCP (Serendipity Space & Capsule Project), octobre 2016, sculpture métallique et caisson lumineux .Collection Observatoire de l'Espace du Cnes, dépôt aux Abattoirs, 2017 © Adagp, Paris, 2018 ; photo : Sylvie Léonard

 

Sciences et Avenir : Quel parcours a conduit l'Observatoire de l'Espace à la collaboration avec les Abattoirs de Toulouse sur l'exposition "Gravité Zéro" ?

 

Gérard Azoulay : Au début des années 2000, j'ai enclenché au sein du CNES une réflexion autour de l'ouverture de l'univers du spatial à un public plus vaste que celui qui s'intéresse spontanément aux sciences exactes. L'espace et ses aventures produisent depuis les origines des histoires qui bousculent l'imaginaire, et il m'a semblé important de s'appuyer sur cette foisonnante matière pour amener du renouveau en faisant appel aux sciences humaines. C'est comme cela qu'est né l'Observatoire, un laboratoire culturel ancré dans la richesse documentaire, humaine et historique du CNES.

Comment avez-vous concrètement démarré ?

Je me suis demandé : qu'est-ce que l'espace ? Que produit cet univers ? On pense d'emblée aux données observationnelles, aux machines, que nous avons entrepris de recenser dans un monumental inventaire au long cours au sein de nos laboratoires. Les instruments, témoignages audio ou vidéo, archives dessinées ont fini par acquérir la forme d'un patrimoine culturel. Par la suite nous avons élargi l'enquête aux musées, là où sont conservés des objets qui s'inspirent de l'espace sans pour autant être catalogués ainsi -films, machines, ou jouets : par exemple, le Musée international des arts modestes (MIAM) d'Hervé Di Rosa à Sète abrite les figurines de Stars Wars, et au musée de la photographie Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône est conservée la copie de la caméra Hasselblad qui est allée sur la Lune…Cela révèle bien l'influence de l'espace dans le champ de l'art.

Vous avez alors établi une politique d'acquisitions ?

Non, nous avons d'abord intégré énormément de connaissances, en essayant d'envisager le paysage patrimonial qui allait surgir, avant de nous tourner vers les œuvres d'art, historique ou contemporain, et de fixer des protocoles de travail. Nous avions l'ambition d'exposer, et nos premières initiatives furent montées  à l'adresse de nos personnels, lors de la Fête de la science et des Journées du Patrimoine : on empruntait aux laboratoires surtout des pièces techniques, industrielles, que l'on faisait rentrer en résonance dans une sorte de dialogue inédit.

Quelle forme a pris votre intérêt pour l'art contemporain?

Les prémices d'une collection d'œuvres contemporaines ont émergé en 2014 grâce à notre première participation à l'évènement Nuit Blanche. Mais cette implication est bien le résultat de l'ouverture à l'art inscrite dans les raisons d'être de l'Observatoire, et de ses deux programmes. Le premier, Histoire culturelle de l'espace, a pour but la constitution de ce patrimoine spatial que j'ai déjà évoqué. Le second, Création et imaginaire spatial, est orienté vers le monde artistique, et articulé à la fois dans un système de résidence hors-les-murs et dans des appels à projets.

Comment ce programme de création est-il structuré?

Les résidences sont attribuées suivant un angle éditorial qui privilégie les fictions documentaires, ancrées dans le réel. Les projets soumis à notre évaluation ne peuvent se contenter de reposer sur une transposition onirique de l'espace : pour nous la fiction n'est pas l'imaginaire total et débridé mais plutôt un agencement du réel qui forme le socle de l'invention artistique. Les artistes accueillis en résidence trouvent chez nous non pas un financement mais un accompagnement documentaire, les contacts avec les chercheurs, l'accès aux labos. Quant aux appels à projets, nous proposons un thème déjà très documenté à partir duquel les artistes créent. Tous modes d'expression confondus : la dramaturgie, les arts de la scène, la littérature et la musique, les arts visuels ou plastiques, la photographie ou même la performance !

 

Bertrand Dezoteux, En attendant Mars, 2017,  maquettes en carton, marionnettes, matériaux divers, vidéo, durée 16', Collection Observatoire de l'Espace du Cnes, dépôt aux Abattoirs 2017 © droits réservés ; photo: Sylvie Leonard

Ce qui nous ramène à votre collaboration avec les Abattoirs de Toulouse pour " Gravité zéro "…

Le lien avec cette institution remonte déjà à quelques années, mais en novembre 2017 nous avons mis en place une convention qui scelle le dépôt de nos collections d'art dans le musée. Avec "Gravité Zéro", dont nous avons partagé le commissariat avec la directrice du musée Annabelle Ténèze, le projet de rendre nos œuvres accessibles au public se déploie pleinement. A côté de celles créées pour Nuit Blanche, qui nous appartiennent, nous exposons des réalisations qui ont vu le jour dans des contextes différents. Par exemple "Vision verticale", le film de marionnettes de Marvin Gaye Chetwynd qui met en scène des chercheurs du CNES dans leurs activités quotidiennes, a été créé dans le cadre du programme "Nouveaux Commanditaires" de la Fondation de France. "En attendant Mars", de Bertrand Dezoteux, est le produit d'une résidence : ce film, où à nouveau des marionnettes tiennent la vedette, raconte l'expérience Mars 500, une simulation menée par la Nasa afin d'étudier les effets psychiques et physiologiques du confinement lors d'un voyage vers Mars. Quant au très poétique "Télescope Intérieur", le projet d'Eduardo Kac, il a été conçu et construit au CNES en collaboration avec l'ESA. Et ça a marqué les esprits ! Il s'agit de la première performance artistique dans l'espace, mise en œuvre par Thomas Pesquet dans l'ISS et dont il faut absolument voir le film. Cette œuvre n'existe qu'en apesanteur, elle a été pensée et réalisée pour ce milieu : une forme découpée dans du papier dessine le mot "MOI", telle une évocation de l'Humanité, une invitation à méditer notre futur sur Terre et notre relation à l'univers. Vous voyez, le lien entre art et science, fondateur pour l'Observatoire, s'épanouit totalement dans le corpus exposé à Toulouse et embarque notre imaginaire.

 

L'exposition " Gravité Zéro. Une exploration artistique de l'aventure spatiale " est à découvrir aux Abattoirs Musée-FRAC Occitanie de Toulouse jusqu'au 7 octobre 2018. Informations pratiques sur http://www.lesabattoirs.org/votre-visite/horaires-et-tarifs

 
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