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LE 4.08.2020: Actualité de l'astronomie / Un champignon découvert à Tchernobyl pour protéger les astronautes des radiations cosmiques ?

Un champignon découvert à Tchernobyl pour protéger les astronautes des radiations cosmiques ?

 

 

 

 

Par Marine Benoit le 03.08.2020 à 16h09ABONNÉS

Retrouvé dans le réacteur numéro 4  de Tchernobyl, un champignon "mangeur" de radiations pourrait aider à concevoir des boucliers anti-radiations efficaces, une protection indispensable dans notre conquête de l'espace, et plus spécifiquement de Mars. 

Centrale de Tchernobyl

La centrale de Tchernobyl en 2010, avant la pose du sarcophage de protection. 

WIKIMEDIA COMMONS

 

Si nous sommes aujourd'hui techniquement capable d'effectuer un voyage vers Mars, des inquiétudes subsistent quand au séjour en lui-même sur la planète Rouge. Rappelons que Mars n'a qu'une très mince atmosphère et un champ magnétique quasi-inexistant, deux propriétés qui, sur Terre, nous protègent en bonne partie des radiations venues du Soleil et du reste du cosmos. Tout séjour prolongé sur cette planète — inévitable compte tenu de la distance avec la nôtre —, ne pourra être viable sans mise au point d'un abri, sans doute souterrain, suffisamment protecteur contre ces radiations.

Diverses options sont envisagées pour constituer cette forteresse, mais à ce jour, toutes semblent encore poser leur lot de problèmes. Des boucliers peuvent par exemple être fabriqués en acier inoxydable et en d'autres matériaux robustes, mais ils doivent être expédiés de la Terre, un effort logistique difficile et coûteux. Il est aussi possible d'exploiter directement le régolithe martien, filtre efficace contre les radiations mais riche en éléments toxiques tels que le perchlorate, qui agit sur la fonction thyroïdienne ou encore certains silicates, qui affectent les voies respiratoires.

Avancée très récemment par deux étudiants-chercheurs en biologie, une autre solution pourrait néanmoins retenir l'attention des ingénieurs qui s'affairent à rendre ce séjour martien possible : l'exploitation d'un champignon radiotrophe bien connu sur Terre. Leur trouvaille fait l'objet d'une étude en prépublication déposée le 17 juillet 2020 sur le serveur BioRxiv

Les radiations comme source d'énergie

Dès 1986, la présence d'un étrange champignon noirâtre avait été observée dans le réacteur nucléaire défaillant de Tchernobyl. Grâce à des robots envoyés pour effectuer des mesures et prélèvements dans cette zone hautement contaminée, les chercheurs avaient pu l'identifier comme étant un Cladosporium sphaerospermum, un mycète "radiotrophe" capable d'utiliser les rayons gamma pour produire de l'énergie métabolique à l'aide d'un pigment biologique, la mélanine. En somme, un champignon capable de convertir les radiations en énergie pour vivre, un peu comme le font les plantes avec la lumière lors du processus de photosynthèse.

Une vue Cladosporium sphaerospermum au microscope électronique à balayage. Crédits : Dennis KunkelMicroscopy/Science

Xavier Gomez, étudiant à l'Université de Caroline du Nord, et Graham Shunk, à l'École des sciences et des mathématiques du même État, ont eu l'idée d'exploiter cette moisissure lors de futures missions spatiales longue durée alors qu'ils étaient encore au lycée, en 2018. Leur ingénieux concept, rapidement récompensé dans le cadre d'un concours d'innovation spatiale, pu rapidement être mis à l'épreuve : en décembre 2018 et pour une durée de 30 jours, Cladosporium sphaerospermum, blotti dans sa boîte de Petri, rejoignit la Station spatiale internationale (ISS).

Seule une couche de seulement 1,7 millimètre d'épaisseur du champignon fit le voyage, mais les résultats de l'expérience furent plus qu'encourageants. Les radiations dans l'environnement de la station, mesurées toutes les 110 secondes à l'aide d'un compteur Geiger, ont été réduites en moyenne de 2 %. Selon les estimations des auteurs, "une couche de 21 centimètres d'épaisseur pourrait réduire l'équivalent de la dose annuelle dans l'environnement de rayonnement à la surface de Mars, alors que seulement 9 centimètres environ seraient nécessaires avec un mélange équimolaire de mélanine et de régolite martien", peut-on lire dans l'étude.

 

Contraintes

Malgré ces bons résultats, l'exploitation du champignon en conditions réelles pose encore plusieurs défis techniques à relever. Par exemple, il ne pourrait pas être cultivé à l'extérieur sur Mars parce qu'il y fait trop froid, et devrait donc être forcément incorporé à l'intérieur des murs isolés d'un bâtiment. Les futurs "Martiens" devront aussi trouver un moyen d'hydrater d'une matière ou d'une autre le champignon, éventuellement en extrayant de l'eau de la glace aux pôles. Bien installé et arrosé, Cladosporium sphaerospermum pourrait alors se montrer presque invincible. Il serait en effet capable de se reproduire et de se guérir lui-même, et ce même si une éruption solaire venait à endommager considérablement le bouclier. 

Outre le "tapissage" de l'abri avec le mycète, une autre option pourrait être d'extraire le pigment de mélanine qu'il utilise pour convertir les radiations en énergie chimique et de l'incorporer dans le tissu des combinaisons spatiales ou d'autres matériaux, expliquent les jeunes scientifiques.

La piste qu'ils explorent paraît être dans l'air du temps. Des chercheurs de l'université Johns Hopkins de Baltimore, dans le Maryland, ont eux aussi récemment envoyé à bord de l'ISS un matériau radiotrophe. En partie synthétique, celui-ci est fait à partir de plastique mélangé à de la mélanine extraite d'un autre champignon radiophage découvert à Tchernobyl, Cryptococcus neoformans. La centrale accidentée ukrainienne comme antichambre du voyage martien : voilà un rôle dans lequel on ne l'attendait pas.

Source: https://www.sciencesetavenir.fr/espace/exploration/un-champignon-decouvert-a-tchernobyl-pour-proteger-les-astronautes-des-radiations-cosmiques_146501?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR1J0p-kBJluc-ehVpwtn7BTgoZWutzim-QXQvSR-4wEJJckBEva9jrhCJM#Echobox=1596465918

 

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