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Capture trou noire 2

LE 7.05.2020: Actualité de l'astronomie / Trou noir : le quasar OJ 287 fournit une preuve du théorème de la calvitie.

Trou noir : le quasar OJ 287 fournit une preuve du théorème de la calvitie

 

Laurent Sacco

Journaliste

 

 

Derrière le quasar OJ 287, se trouve un système binaire de deux trous noirs supermassifs qui constitue un laboratoire d'astrophysique relativiste. Avec l'aide du satellite Spitzer, il vient de servir à faire passer un test à la théorie des trous noirs, plus précisément en relation avec le théorème de la calvitie.

 

Il est généralement convenu d'appeler « Âge d'or » de la physique théorique des trous noirs, la période qui s'étend depuis la découverte en 1963 par Roy Kerr, de sa solution décrivant un trou noir en rotation jusqu'à la découverte par Stephen Hawking de l'évaporation des trous noirs en 1973. Les travaux de plusieurs physiciens et mathématiciens de l'époque allaient permettre de donner un sens précis et rigoureux à ce qu'il fallait entendre par trou noir dans le cadre de la théorie de la relativité générale ainsi que leurs principales propriétés. Une exposition des principaux résultats obtenus peut se trouver dans le fameux ouvrage Gravitation que le prix Nobel de physique Kip Thorne avait co-écrit et publié en 1973 avec ses collègues John Wheeler et Charles Misner.

 

Les trous noirs n'ont pas de « cheveux »

L'une des propriétés les plus étonnantes des trous noirs, qui contenait en germe le fameux paradoxe de l’information associé à ces objets, est ce que Wheeler avait baptisé le « No hair theorem », ce que l'on a traduit par le théorème de la calvitie en anglais. Stephen Hawking, et surtout  Werner Israel, ont contribué à la démonstration de ce théorème qui affirme qu'un trou noir et son champ de gravitation sont uniquement déterminés par au plus trois quantités (si l'on exclut les charges magnétiques associées aux monopoles que l'on n'a jamais observées) et même, en pratique, uniquement deux en astrophysique, à savoir une masse totale et un moment cinétique total associé à une rotation du trou noir.

Ces deux nombres ne sont pas suffisants pour décrire le champ de gravitation d'un objet comme la Terre ou le Soleil car la matière dans ces astres est répartie de façon inhomogène avec des densités variables. Le champ de gravité au-dessus d'une montagne, par exemple, n'est pas le même qu'au dessus d'un désert de sorte qu'un satellite qui se déplace au-dessus de la Terre ne va pas avoir une trajectoire parfaitement régulière. Elle sera accidentée, comme le sont la surface et l'intérieur de notre Planète bleue avec, par exemple, des mouvements de convections de panaches chauds et moins denses dans son manteau. Dit d'une autre manière, la Terre n'est pas un objet parfaitement lisse et son champ de gravitation ne l'est pas non plus, et l'on doit faire intervenir des quantités supplémentaires, des « cheveux » pour reprendre l'analogie initiale pour décrire son champ de gravitation.

Le prix Nobel de physique indien Subrahmanyan Chandrasekhar a été un pionnier de la théorie des étoiles relativistes dans les années 1960 et de celle des trous noirs dans les années 1970. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NDTV

 

Les trous noirs, des objets étonnamment simples et « lisses »

Il n'y a rien de tel avec un trou noir qui est donc un objet parfaitement lisse, ce qui est très surprenant comme n'a pas manqué de le souligner le prix Nobel de physique Chandrasekhar dans une conférence donnée à l'occasion de la réception de son prix. En effet, à la fin de celle-ci, le grand astrophysicien indien fit les fascinantes remarques suivantes concernant la théorie mathématique des trous noirs :

« Je ne sais pas si toute la portée de ce que j'ai dit est claire. Laissez-moi vous expliquer. Les trous noirs sont des objets macroscopiques avec des masses variant de quelques masses solaires à des milliards de masses solaires. Lorsqu'ils peuvent être considérés comme stationnaires et isolés, ils sont tous, chacun d'entre eux, décrits exactement par la solution de Kerr. C'est le seul cas connu où nous avons une description exacte d'un objet macroscopique.

Les objets macroscopiques tout autour de nous sont régis par une variété de forces, décrites par diverses approximations de plusieurs théories physiques. [...] En revanche, les seuls éléments de construction de trous noirs sont nos concepts de base de l'espace et du temps. Ils sont ainsi, presque par définition, les objets macroscopiques les plus parfaits de l'univers. Et, puisque la théorie de la relativité générale nous fournit une famille de solutions dépendant uniquement de deux paramètres pour leur description, ils sont aussi les objets les plus simples de l'univers ».

Or, il se trouve que, dans les années 1970, Kip Thorne avait proposé un scénario pour tester, en partie au moins, la validité du théorème de la calvitie avec un trou noir. Il fallait pour cela trouver un objet en orbite autour d'un trou noir et étudier ses mouvements pour voir justement à quel point sa trajectoire était régulière ou au contraire perturbée par un champ de gravitation inhomogène, un peu comme si l'objet se déplaçait sur une surface bosselée et non pas lisse.

Cette animation montre la trajectoire du trou noir autour du trou noir supermassif derrière le quasar OJ 287. Elle traverse plusieurs fois un disque d'accrétion vue par la tranche (edge-on) et chaque traversée donne lieu à une brusque éruption produisant une tout aussi brusque augmentation de la luminosité du quasar et ce, depuis les années 1900, comme le montre le graphique à droite de l'animation. © Nasa, Spitzer

Il se trouve également que la nature nous a fourni un exemple de cette situation et qu'elle a donc permis de faire passer un test à ce théorème comme l'explique une équipe internationale d'astrophysiciens dans un article publié dans The Astrophysical Journal mais que l'on peut consulter en accès libre sur arXiv.

 

Un laboratoire pour tester la théorie de la relativité générale

Pour cela, les chercheurs ont mobilisé les observations du défunt télescope Spitzer en ce qui concerne un quasar bien connu qui avait déjà commencé à servir de test pour la relativité générale comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous. Dénommé OJ 287, ce quasar est un trou noir supermassif situé à environ 3,5 milliards d'années de la Terre. C'est l'un des plus massifs observés puisqu'il contient environ 18 milliards de masses solaires mais son autre particularité est qu'il n'est pas seul car un trou noir également supermassif mais ne contenant que 150 millions de masses solaires (celui de la Voie lactée en contient 4) est en orbite très rapprochée autour de lui.

En effet, le second trou noir ne met que 12 ans pour boucler cette orbite mais celle-ci est inclinée au-dessus du plan du disque d'accrétion entourant le trou noir principal et elle subit un mouvement de précession comme dans le cas de Mercure autour du Soleil du fait de la théorie de la relativité générale. Le petit trou noir passe donc deux fois à travers le disque d'accrétion pendant une période de 12 ans mais à des dates qui peuvent être espacées d'entre un à dix ans et ce, depuis des décennies que l'on observe comme on peut s'en convaincre en regardant la vidéo ci-dessus.

À chaque passage dans le disque d'accrétion, il se produit une brusque éruption qui fait quadrupler la brillance du quasar pendant 48 h comme si un milliard d'étoiles s'allumaient brutalement, ce qui est supérieur à la luminosité de la Voie lactée.

Il y a dix ans, des astrophysiciens relativistes avaient déjà réussi à modéliser la situation au point de pouvoir prédire à quelques semaines près l'occurrence d'une éruption. Depuis, la modélisation s'est affinée, toujours en tenant compte des pertes d'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles subies par ce trou noir binaire. Les chercheurs ont donc estimé à quelques heures près l'occurrence du flash de lumière émis le 31 juillet 2019.

Ce flash n'était pas observable avec les instruments terrestres car, à ce moment là, OJ 287 était de l'autre côté du Soleil par rapport à la Terre, hors de vue de tous les télescopes au sol, et en orbite terrestre. Mais ce n'était pas le cas de Spitzer qui, lui, se trouvait à environ à 254 millions de kilomètres de la Terre, soit plus de 600 fois la distance entre la Terre et la Lune, et alors qu'il n'était pas encore retiré du service (ce fut le cas en janvier 2020).

Le succès de cette prévision montre que le champ de gravitation autour de OJ 287 est bien celui attendu sur le théorème de la calvitie est bien valable, ce qui accrédite l'idée qu'il y a bien un trou noir de Kerr en rotation décrit par les équations de la théorie de la relativité générale d'Einstein et pas un autre objet exotique encore inconnu, éventuellement décrit par une autre théorie de la gravitation au cœur de la galaxie hébergeant le quasar.

La galaxie OJ 287 abrite l'un des plus grands trous noirs jamais trouvés, avec plus de 18 milliards de fois la masse de notre Soleil. En orbite autour de ce géant est un autre trou noir massif. Deux fois tous les 12 ans, le plus petit trou noir traverse l'énorme disque de gaz entourant son plus grand compagnon, créant un flash de lumière plus brillant qu'un milliard d'étoiles. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, Jet Propulsion Laboratory

CE QU'IL FAUT RETENIR

  • Derrière le quasar OJ 287 se trouve un système binaire de deux trous noirs supermassifs qui constitue un laboratoire d'astrophysique relativiste.
  • Avec l'aide du satellite Spitzer, il vient de servir à faire passer un test à la théorie des trous noirs, plus précisément en relation avec le théorème de la calvitie.
  • En effet, les mouvements du plus petit des trous noirs à travers le disque d'accrétion du plus grand génèrent des flashs de lumière dont l'occurrence a été prédite à quelques heures près en accord avec l'hypothèse que la solution des équations d'Einstein, décrivant le champ de gravitation d'un trou noir en rotation, est rigoureusement décrite par la solution de Kerr.

POUR EN SAVOIR PLUS

Une preuve de la théorie d'Einstein au cœur du quasar OJ 287

Article de Laurent Sacco publié le 18/04/2008

La relativité générale d'Einstein, et surtout sa prédiction de l'existence d'ondes gravitationnelles, a été brillamment testée avec les pulsars binaires. Elle vient de rencontrer un nouveau succès mais cette fois avec un système binaire de trou noir au cœur d'un quasar.

La précession de l’orbite de Mercure était une énigme dans le cadre de la physique newtonienne. Il a fallu attendre la théorie de la relativité générale d'Einstein pour reproduire exactement le fait que l'orbite de cette planète autour du Soleil n'était pas une ellipse fermée mais que son périhélie se déplaçait lentement au cours des siècles. Une des prédictions les plus importantes de la théorie d'Einstein est que la nature dynamique de l'espace-temps lui permet d'être le siège d'un phénomène de propagation, similaire aux vagues à la surface de l'océan, et d'émission de la lumière par une charge accélérée. Ainsi, lorsque des masses sont accélérées, elles doivent, moyennant certaines conditions, rayonner de l'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles. 

Or justement, au début des années 1970, Hulse et Taylor firent la découverte d'un pulsar binaire constitué d'une étoile à neutrons en orbite autour d'une étoile compagne. L'observation de ce système au cours du temps montra alors une diminution de la période orbitale, en plein accord avec la perte d'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles impliquée par les équations de la relativité générale.

Aujourd'hui, c'est une nouvelle preuve de la validité de la théorie d'Einstein qui vient d'être apportée par Mauri Valtonen, un astrophysicien de l'observatoire Tuorla en Finlande, grâce aux observations patientes de plus de 25 astronomes, dont certains sont amateurs, dans 10 pays. Remarquablement, elle combine les deux tests précédents mais de façon bien plus impressionnante car elle fait intervenir un système binaire monstrueux formé d'un trou noir de 18 milliards de masses solaires autour duquel en gravite un autre plus petit, pesant néanmoins 100 millions de masses solaires. Ce couple hors normes nous apparaît comme un quasar, connu sous le nom de OJ 287.

Figure 1. En blanc, les deux pics de luminosité causés par la pénétration du petit trou noir dans le disque d'accrétion du second. Crédit : Tuorla Observatory

Figure 1. En blanc, les deux pics de luminosité causés par la pénétration du petit trou noir dans le disque d'accrétion du second. Crédit : Tuorla Observatory 

La relativité générale prévoit les sursauts du quasar au jour près

OJ 287 est un noyau actif de galaxie connu depuis près d'un siècle, il a donc fait l'objet de nombreuses études et l'on sait que tous les 12 ans environ, sa luminosité augmente selon deux pics rapprochés. En 1988, Valtonen a suggéré que le phénomène était dû au passage du trou noir le plus léger à l'intérieur d'un disque d'accrétion de matière entourant le plus lourd. Cette situation est représentée sur la figure 1 où l'on voit bien l'orbite du plus petit trou noir pénétrant dans le disque rouge orange du second à intervalles répétés.

Un tel système est remarquable car il fait intervenir des champs gravitationnels élevés et permet donc de tester les équations de la relativité générale dans un régime dit fort. En outre, étant donné les masses des objets impliqués, l'émission d'ondes gravitationnelles doit être particulièrement forte et la précession de l'orbite du trou noir assez élevée. Ces effets sur la périodicité des deux pics de luminosité, bien que difficile à calculer, devraient donc être particulièrement importants.

Les chercheurs ont donc lancé une campagne d'observations sur plusieurs mois pour observer très précisément les variations de luminosité de OJ 287. L'enjeu était de taille. Avec une connaissance accrue de ce système et le recours aux équations de la relativité générale, combinant les effets de la théorie relativiste des disques d'accrétions autour des trous noirs et celle de l'émission d'ondes gravitationnelles, il devenait possible de prédire à quelques jours près la date des deux pics de lumière. D'après les astrophysiciens relativistes ce devait être autour du 13 septembre 2007.

Toutefois, l'observation de OJ 287 est compliquée car, depuis la Terre, il n'est visible que pendant 30 minutes avant le lever du Soleil. Il a donc fallu mobiliser des astronomes partout sur la plan&eg

 

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