Capture mars phobos

LE 9.03.2020: Actualité de l'astronomie / Vie sur Mars : Curiosity a découvert des molécules organiques prometteuses.

Vie sur Mars : Curiosity a découvert des molécules organiques prometteuses

 

Journaliste

Sur Mars, les analyses de Curiosity établissent de façon solide la présence de molécules organiques au sein de roches sédimentaires. Ces molécules organiques pourraient être des biosignatures de formes de vie mais leurs origines pourraient également être abiotiques. Des exobiologistes pensent maintenant que la première interprétation est légèrement plus probable avec les thiophènes, ce qui est encourageant.

Il y a deux ans, la Nasa et une publication dans le journal Science faisaient savoir que le rover Curiosity, qui roule depuis le mois d'août 2012 sur les couches sédimentaires à l'intérieur d'un cratère martien dénommé Gale, avait détecté des molécules organiques dans des échantillons de roche prélevés avec une foreuse dans des blocs de mudstone, une fine roche sédimentaire argileuse cousine du limon.

Développé par la Nasa avec une participation des laboratoires français Latmos et Lisa, Sam (Sample Analysis at Mars : analyse d'échantillons de Mars) est un ensemble d'instruments de mesure aptes à déterminer la composition chimique (moléculaire, élémentaire et isotopique) du sol martien, qui avait en effet identifié des composés thiophéniques, aromatiques et aliphatiques. Sur Terre, ces composés peuvent être associés à l'activité de forme de vie et comme on sait que les roches analysées se sont déposées il y a environ 3,5 milliards d'années dans le lac qui occupait le cratère Gale -- lac qui devait contenir une eau comparable à celle des océans terrestres à un moment --, la nouvelle était excitante.

Une présentation des découvertes de molécules organiques sur Mars par Curiosity. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Goddard

Biotique ou abiotique, telle est la question

Malheureusement, ces molécules organiques pourraient aussi avoir été le résultat de processus chimiques abiotiques, donc avoir été synthétisées sans l'aide de formes de vie. Deux exobiologistes, Dirk Schulze Makuch de l'Université de l'État de Washington et Jacob Heinz de la Technische Universität de Berlin, viennent pourtant de publier un article dans la revue Astrobiology qui, sans trancher entre les deux interprétations, fait cependant légèrement pencher le balancier en direction de synthèses biologiques en ce qui concerne les thiophènes mis en évidence avec Sam.

Comme leur nom l'indique, pour un chimiste, les thiophènes sont des composés organosulfurés que l'on trouve sur Terre dans le charbon et le pétrole brut, les stromatolites et les microfossiles. Mais sur Mars, ils pourraient avoir été amenés par des météorites ou résulter de la réduction thermochimique abiotique de sulfates portés à des températures élevés il y a des milliards d'années par l'activité volcanique martienne.

Toutefois, Dirk Schulze Makuch explique dans un communiqué de l'Université de l'État de Washington : « Nous avons identifié plusieurs voies biologiques pour les thiophènes qui semblent plus probables que les voies chimiques, mais nous avons encore besoin de preuves » et le chercheur de citer un de ses célèbres et regrettés collègues : « Comme l'a dit Carl Sagan, des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires ».

Dirk Schulze Makuch et Jacob Heinz donnent donc dans l'article d'Astrobiology un bref résumé des voies imaginables pour la génération et la dégradation des thiophènes ainsi que leur potentiel pour représenter les biomarqueurs martiens de l'activité passée de bactéries ; ils fournissent des suggestions pour de futures investigations sur Mars et dans des laboratoires terrestres pour répondre à la question de savoir si les thiophènes martiens sont d'origine biologique ou non.

Par exemple, pour des organismes vivants, il est moins coûteux en énergie d'utiliser des isotopes légers du carbone, de sorte que, dans des restes de molécules organiques directement liées à l'activité des formes de vie connue sur Terre, on trouve un enrichissement significatif en carbone 12 par rapport au carbone 13 plus lourd. Schulze Makuch et Heinz recommandent donc d'utiliser les données collectées par le prochain rover pour examiner les isotopes du carbone et du soufre. On ne devrait pas tarder à en savoir plus si les rovers Rosalind Franklin de l'Esa et Perseverance de la Nasa arrivent à bon port sur Mars.

CE QU'IL FAUT RETENIR

  • Dans des roches sédimentaires datant d’environ 3,5 milliards d’années, le rover Curiosity a découvert plusieurs molécules organiques datant de cette même période. Or, ces roches se sont déposées dans un lac à une époque où la vie pouvait prospérer.
  • Curiosity a également observé des émanations saisonnières de méthane, plus fortes en été qu'en hiver. Sur Terre, ces suintements saisonniers peuvent être produits par des bactéries méthanogènes.
  • Cependant, ces observations peuvent s'expliquer par des processus abiotiques mais les thiophènes détectés s'expliquent un peu plus facilement par l'activité de bactéries il y a des milliards d'années.
  • Ces résultats sont encourageants pour la mission ExoMars 2020 de l’ESA qui sera capable d'identifier des marqueurs biochimiques sur des échantillons prélevés dans le sol.

POUR EN SAVOIR PLUS

Vie sur Mars : Curiosity et la Nasa découvrent d'intrigantes molécules organiques

Article de Laurent Sacco publié le 08/06/2018

Sur Mars, les analyses de Curiosity établissent de façon solide la présence de molécules organiques au sein de roches sédimentaires. Ses instruments confirment également la présence de variations saisonnières de méthane dans l'atmosphère autour de lui. Méthane et molécules organiques pourraient être des biosignatures de formes de vie mais leurs origines pourraient également être abiotiques. La découverte de la vie sur Mars n'est donc pas encore faite.

La toile bruissait légèrement depuis quelques jours après l'annonce par la Nasa d'une conférence pour ce jeudi 7 juin 2018, présentant une découverte faite par le rover Curiosity. Rappelons qu'il roule depuis le mois d'août 2012 sur les couches sédimentaires à l'intérieur d'un cratère martien dénommé Gale (en l'honneur d'un astronome amateur australien du XIXe siècle). L'annonce avait été accueillie toutefois avec un brin de scepticisme, voire de lassitude, tant il est vrai que bien des annonces similaires de la Nasa avaient laissé espérer une découverte spectaculaire alors qu'il n'en fut rien. Cette fois, l'annonce de la Nasa est heureusement loin du flop qui pouvait être craint.

Des biosignatures ambigües de vie martienne

La biogéochimiste et géologue Jennifer Eigenbrode vient de révéler que Curiosity a détecté dans des roches sédimentaires datant d'environ 3,5 milliards d'années la présence incontestable de plusieurs molécules organiques datant de cette période. Plus précisément, il s'agit de composés thiophéniques, aromatiques et aliphatiques. Or, on sait que ces roches se sont déposées à cette époque dans un lac.

La présence durant plusieurs années de Curiosity dans le cratère d'impact Gale a également permis de suivre les émanations de méthane, inexpliquées. Le fait est aujourd'hui avéré : elles sont cycliquement modulées par les saisons martiennes. Plus importantes en été, elles se réduisent en hiver. Sur Terre, ces suintements saisonniers peuvent être produits par des bactéries méthanogènes.

Jennifer Eigenbrode a cependant d'entrée de jeu mis les points sur les « i ». Les molécules organiques repérées ainsi que les suintements de méthanes saisonniers ne sont pas nécessairement d'origine biologique. Des phénomènes abiotiques, donc découlant de processus physicochimiques, pourraient les expliquer. En l'état, les instruments de Curiosity ne permettent pas de trancher.

Mais ces résultats sont tout de même très encourageants surtout pour la mission ExoMars 2020, de l'ESA, actuellement en préparation. Elle devrait déposer à la surface de la Planète rouge un rover de 300 kg doté d'une foreuse capable de ramener une carotte prélevée jusqu'à 2 mètres de profondeur. Un laboratoire capable d'analyser l'échantillon et d'identifier des marqueurs biochimiques prévu à bord de l'engin pourrait donc faire une découverte révolutionnaire.

Une présentation du cratère Gale exploré par Curiosity. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA Jet Propulsion Laboratory

En attendant, on peut consulter les deux articles scientifiques publiés dans le journal Science et qui donnent plus de détails sur les découvertes faites par Curiosity. Elles ont été rendues possibles par Sam (Sample Analysis at Mars, soit analyse d'échantillons de Mars en français), un ensemble d'instruments de mesure aptes à déterminer la composition chimique (moléculaire, élémentaire et isotopique) de l'atmosphère de Mars et du sol martien, développé par la Nasa avec une participation des laboratoires français Latmos et Lisa.

Les échantillons de roche étudiés ont été prélevés avec une foreuse dans des blocs de mudstone, une fine roche sédimentaire argileuse cousine du limon. Sam a donc détecté des molécules organiques présentes sous la surface de Mars. Les précédentes détections faites avec Curiosity étaient critiquables car ambigües. Ce n'est plus le cas avec le nouveau protocole d'utilisation des instruments de Sam mis en œuvre par les chercheurs.

Cette image du 31 janvier 2015 montre le forage effectué pour un prélèvement par Curiosity dans une cible appelée « Mohave 2 ». Le site est l'affleurement de « Pahrump Hills », à la base du mont Sharp. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS

Cette image du 31 janvier 2015 montre le forage effectué pour un prélèvement par Curiosity dans une cible appelée « Mohave 2 ». Le site est l'affleurement de « Pahrump Hills », à la base du mont Sharp. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS 

Des molécules organiques et des kérogènes il y a 3,5 milliards d'années ?

Ces molécules sont anciennes car elles se trouvent à l'intérieur de roches (notamment une baptisé Mohave 2) datant d'environ 3,5 milliards d'années. Mais, comme l'explique Jennifer Eigenbrode dans la première vidéo ci-dessus, ces molécules pourraient avoir été apportées sur Mars par des météorites comme les chondrites carbonées, riches en molécules biologiques, comme des acides aminés tels que l'adénine ou la guanine, mais qui sont le résultat de processus abiotiques. Ces molécules prébiotiques pourraient d'ailleurs avoir contribué à l'apparition de la vie sur Terre et peut-être sur Mars.

VOIR AUSSISur Mars, un lac aurait bien existé dans le cratère Gale

Malgré un bombardement météoritique qui apporte de 100 à 300 tonnes de matière par an depuis des milliards d'années, la surface ne semble pas fortement enrichie en ces molécules organiques, comme les exobiologistes et les planétologues l'ont découvert avec déception dans les années 1970 avec les missions Viking. Le sol martien s'est avéré très oxydant et conjointement avec le rayonnement UV qui n'est pas fortement atténué par une couche d'ozone, comme c'est le cas sur Terre, ces molécules organiques seraient donc rapidement détruites, dégradées en formes simples.

Restes d'un lac vieux de 3,5 milliards d'années qui remplissait autrefois le cratère Gale. Les scientifiques de la Nasa ont conclu dès le début de la mission Curiosity que Mars était habitable il y a longtemps, en se basant sur l'étude des restes de mudstone comme ceux-ci. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS

Restes d'un lac vieux de 3,5 milliards d'années qui remplissait autrefois le cratère Gale. Les scientifiques de la Nasa ont conclu dès le début de la mission Curiosity que Mars était habitable il y a longtemps, en se basant sur l'étude des restes de mudstone comme ceux-ci. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS 

Les molécules découvertes par Sam auraient été conservées pendant des milliards d'années parce qu'elles étaient en profondeur dans les roches et aussi parce que celles-ci contenaient des composés soufrés qui aident à la conservation. Ces molécules, comme le benzène et le toluène, provenant d'échantillons portés à des centaines de degrés, pourraient être des fragments de molécules carbonées beaucoup plus longues fragmentées par la chaleur, comme des kérogènes.

Sur Terre, il s'agit d'une matière intermédiaire entre des organismes morts dans des sédiments et le charbon ou le pétrole. Mais ces molécules pourraient tout aussi bien avoir été synthétisées sur Mars par des interactions entre les roches et de l'eau chaude dans des systèmes hydrothermaux.

Large de 154 kilomètres de diamètre, le cratère Gale a été formé par l'impact d'un petit corps céleste il y probablement 3,7 milliards d'années, alors que Mars était encore un peu humide et probablement encore accueillante pour la vie. Il a été occupé par un lac il y a plus de trois milliards d'années, qui s'est asséché à plusieurs reprises, ce qui peut se lire dans l'empilement de couches de dépôts sédimentaires gardant des traces de cours d'eau et de dépôts éoliens. Au centre se trouve le mont Sharp, un mélange de dépôts lacustres et éoliens recouvrant sans doute un pic central formé par un rebond de la croûte martienne après l'impact. © Nasa

Large de 154 kilomètres de diamètre, le cratère Gale a été formé par l'impact d'un petit corps céleste il y probablement 3,7 milliards d'années, alors que Mars était encore un peu humide et probablement encore accueillante pour la vie. Il a été occupé par un lac il y a plus de trois milliards d'années, qui s'est asséché à plusieurs reprises, ce qui peut se lire dans l'empilement de couches de dépôts sédimentaires gardant des traces de cours d'eau et de dépôts éoliens. Au centre se trouve le mont Sharp, un mélange de dépôts lacustres et éoliens recouvrant sans doute un pic central formé par un rebond de la croûte martienne après l'impact. © Nasa 

Des clathrates ou des bactéries méthanogènes pour le méthane martien ?

Venons en maintenant à la découverte des suintements saisonniers de méthane. Les modèles photochimiques de l'atmosphère martienne prédisent que ce gaz aurait une durée de vie d'environ 300 ans, donc toute détection implique une injection très récente dans l'atmosphère à l'échelle géologique. Des indications de la présence de méthane dans l'atmosphère de Mars existaient en fait depuis 2003 et ont notamment fait l'objet d'une publication dans Science de Thérèse Encrenaz et ses collègues qui avait repéré des traces de ce gaz à l'aide des instruments de la sonde européenne Mars Express.

Il y a quelques années, Curiosity avait déjà détecté de faibles concentrations transitoires de méthane dans l'atmosphère martienne. Mais cela pouvait s'expliquer par un apport continuel de météorites possédant de la matière organique. Le méthane serait alors produit par la dégradation de cette matière sous l'effet de l'intense rayonnement UV à la surface de Mars.

Sources et mécanismes de dégradation possibles du méthane martien : apport de matière organique par des météorites (cosmic dust) transformée ensuite en méthane par les UV, production par des micro-organismes enfouis (microbes), altération de l'olivine en présence d'eau liquide (water), stockage sous forme de clathrates (clathrate storage), transformation par les UV (photochemistry) en formaldéhyde et méthanol puis en CO2. © Nasa, JPL, SAM-GSFC, Univ. of Michigan

Sources et mécanismes de dégradation possibles du méthane martien : apport de matière organique par des météorites (cosmic dust) transformée ensuite en méthane par les UV, production par des micro-organismes enfouis (microbes), altération de l'olivine en présence d'eau liquide (water), stockage sous forme de clathrates (clathrate storage), transformation par les UV (photochemistry) en formald&

 

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