Capture soleil

LE 28.07.2020: Actualité de l'astronomie / Première photographie d'un système planétaire autour d'une étoile semblable au Soleil

Par Marine Benoit le 22.07.2020 à 15h00ABONNÉS

Pour la toute première fois, plusieurs exoplanètes ont été photographiées autour d'une étoile similaire à la nôtre. Bien que beaucoup plus jeune que notre Soleil, cette étoile pourrait nous en apprendre énormément sur les origines et la formation de notre Système solaire.

Première image directe d'une étoile semblable à notre Soleil

Ce cliché est la toute première imagerie directe d'une étoile du même type que notre Soleil. En bas à droite, ses deux exoplanètes, qui orbitent autour de leur étoile hôte à des distances de 160 et environ 320 fois la distance Terre-Soleil.

SO/BOHN ET AL.

On pourrait croire qu'il s'agit une fois de plus de l'œil de Sauron en pleine régénération. Mais la réalité derrière cette image, comme la puissance mystique qu'elle renferme, est peut-être plus fantastique encore que la figure la plus ténébreuse de l'œuvre de J.R.R. Tolkien. Ce que nous voyons sur ce cliché n'est autre que la toute première image d'une étoile semblable au Soleil accompagnée de ses exoplanètes, ici au nombre de deux. Jusqu'ici, seuls deux systèmes comprenant plus d'une planète avaient été observés directement, mais ces derniers étaient articulés autour d'étoiles nettement différentes de notre Soleil. 

SPHERE, un instrument hors pair

On doit cet exceptionnel cliché au Very Large Telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO), situé dans le désert chilien d'Atacama. Plus précisément, à son instrument SPHERE, qui équipe l'un des quatre télescopes du VLT et utilise différentes techniques pour améliorer le contraste des images de systèmes d'étoiles. La lumière trop intense des étoiles empêche en effet de distinguer les éventuelles planètes qui gravitent autour d'elles. Aussi faut-il trouver des parades pour pouvoir l'occulter.

SPHERE s'appuie sur de l'optique adaptative poussée à l'extrême, qui permet de gommer les distorsions produites par l'atmosphère terrestre. Est également employé un dispositif appelé coronographe, qui masque le trop plein de lumière de l'étoile observée, ou encore un système d'imagerie différentielle pour exploiter les différences de couleur ou de polarisation de la lumière d'une étoile et d'une planète. Il y a quelques semaines à peine, SPHERE nous avait régalés d'une époustouflante image de la naissance d'une planète au sein d'un disque de poussières entourant une jeune étoile.

Ici la jeune étoile et ses deux exoplanètes. Les cercles lumineux et sombre visibles autour de l'étoile sont en réalité des effets d'optique occasionnés par l'instrument. Crédits : ESO/Bohn et al.

Un "Soleil" dans ses très jeunes années

Mais revenons-en à notre étoile. Connue sous le nom quelque peu barbare de TYC 8998-760-1, celle-ci est située à environ 300 années-lumière de la Terre. C'est en l'analysant au cours d'une étude précédente, publiée en décembre 2019, que l'équipe composée de 12 chercheurs a constaté que sa masse s'approchait de celle de notre Soleil. "Parmi toutes les étoiles qui fusionnent continuellement de l'hydrogène à l'hélium – la phase la plus longue de la vie d'une étoile –, environ 5 à 10 % seulement ont un type spectral, c'est-à-dire une température, compatible avec notre Soleil. La majorité des étoiles – plus de 80 % – sont en fait moins massives que notre Soleil", explique à Sciences et Avenir Alexander Bohn, doctorant à l'Université de Leiden, aux Pays-Bas, et auteur principal de l'étude publiée mercredi 22 juillet dans The Astrophysical Journal Letters.

TYC 8998-760-1 est toutefois beaucoup plus jeune : âgée de 17 millions d'années, elle fait figure de bambin face aux 4,6 milliards d'années déjà vécues par notre étoile qui, pour filer la métaphore, est une belle quadragénaire. TYC 8998-760-1 en est donc à un stade très précoce de son évolution, ce que lui confère un immense intérêt. "Les conditions physiques initiales pourraient être très similaires à celles de notre système solaire lorsqu'il venait de naître", assure Alexander Bohn.

Les points lumineux visibles sur l'image, à l'exception des deux planètes pointées par des flèches, sont d'autres étoiles présentes en arrière-plan. Crédits : ESO/Bohn et al.

Grande distance

Nous ignorons encore comment les planètes se forment à cette grande distance de l'étoile. Actuellement, deux scénarios possibles cohabitent : les planètes se sont formées in situ, autrement dit à leur emplacement actuel, en suivant des processus de fragmentation dans le nuage proto-stellaire en effondrement.

Elles pourraient aussi être nées à des distances plus proches de l'étoile, dans le disque proto-planétaire de cette dernière, pendant les dix premiers millions d'années de sa vie, et ce par accrétion du noyau. "De petits planétésimaux se seraient regroupés et auraient formé des noyaux protoplanétaires. Lorsqu'une certaine masse aurait été atteinte, ce noyau serait devenu suffisamment grand pour accumuler le gaz du disque circumstellaire (disque de matière tournant autour d'une étoile, ndlr) dans son atmosphère. C'est le scénario de formation privilégié pour les plus grandes planètes de notre propre Système solaire", complète le planétologue. Cette formation à proche distance peut également être due à une instabilité gravitationnelle : "Dans ce scénario, des parties du disque circumstellaire seraient devenues instables et se seraient rapidement effondrées sous l'effet de leur propre gravité en noyaux protoplanétaires, accumulant ainsi encore plus de gaz dans leur atmosphère."

Une animation montrant deux images prises à un an d'intervalle. Crédits : ESO/Bohn et al.

Mais quel que soit le scénario, pour expliquer le fait que des planètes se trouvent sur des orbites si lointaines, une migration vers l'extérieur a forcément eu lieu à un moment ou un autre. Par quel mécanisme ? C'est ce que l'équipe va désormais chercher à comprendre.

Des sœurs cachées ?

Rien ne permet non plus d'exclure que TYC 8998-760-1 ait plus de deux exoplanètes dansant à ses côtés, y compris des planètes rocheuses. "Mais deux choses nous limitent ici : la résolution angulaire du télescope et de l'instrument, et la sensibilité de nos observations. Nous pourrions manquer des planètes situées à des distances plus petites de l'étoile", admet Alexander Bohn. Seul un plus grand télescope permettrait à l'équipe de les détecter si elles existaient. Grâce à son miroir de 39 mètres (contre huit mètres pour celui du VLT), l'Extremely Large Télescope (ELT), avec son instrument METIS (dont la mise en service est prévue pour 2024), pourra de son côté y repérer des planètes ayant des masses équivalentes à celles de Neptune ou de Saturne. Mais il "ne sera certainement pas assez sensible pour détecter des planètes rocheuses. [Leur lumière] serait trop faible."

 

 

SOURCES SCIENCES AVENIR

 

météo astronomie juillet 2020

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