Actualité de l'astronomie du 28.12.2020 / l'astronaute européen Matthias Maurer nous parle de sa future mission à bord de la Station spatiale.
- Par dimitri1977
- Le 28/12/2020 à 12:42
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Cosmic Kiss : l'astronaute européen Matthias Maurer nous parle de sa future mission à bord de la Station spatiale
Rémy Decourt
Journaliste
Publié le 24/12/2020
En 2021, deux astronautes européens séjourneront à bord de la Station spatiale internationale. Après Thomas Pesquet qui s'envolera au printemps 2021, Matthias Maurer rejoindra le complexe orbital à l'automne 2021. Il prendra la suite du Français pour une mission d'une durée d'au moins six mois. Aux États-Unis pour s'entraîner, Matthias Maurer nous parle de sa mission et comment elle va aider le retour de l'Homme sur la Lune et préparer les voyages à destination de Mars.
Alors que Thomas Pesquet se prépare pour sa seconde mission à bord de la Station spatiale internationale, sa doublure, l'astronaute européen de nationalité allemande Matthias Maurer a officiellement été désigné pour un premier vol en 2021. Originaire du Saarland dans le sud-ouest de l'Allemagne, Matthias Maurer est issu de la même promo que Thomas Pesquet. Très francophile, il est, entre autres, diplômé en sciences des matériaux de l'EEIGM de Nancy.
Son départ est prévu à l'automne 2021 pour une mission d'une durée d'environ six mois durant lesquels il réalisera des travaux scientifiques et des opérations pour le compte de chercheurs et de partenaires internationaux du monde entier. Il rejoindra le complexe orbital à bord d'un véhicule Crew Dragon de SpaceX en compagnie des astronautes de la Nasa, Raja Chari et Thomas H. Marshburn. Il sera alors le second astronaute européen à voler à bord d'un véhicule commercial.
Cosmic Kiss, la première mission de Matthias Maurer à bord de la Station spatiale Internationale. © ESA
Une mission baptisée « le baiser cosmique »
Matthias Maurer décrit sa mission, baptisée « le baiser cosmique » (Cosmic kiss en anglais), comme une « déclaration d'amour pour l'espace ». Ce baiser cosmique « symbolise le lien particulier que la station établit entre les habitants de la Terre et le cosmos », explique-t-il. « Il traduit également la valeur du partenariat dans l'exploration de la Lune et de Mars, ainsi que la nécessité de respecter, de protéger et de préserver la nature de notre Planète, alors que nous sommes en quête d'un avenir durable sur Terre. »
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Il y a avant tout le grand rêve de voler dans l’espace, de voir la Terre de l’extérieur et de voir le monde dans sa globalité
« Il y a avant tout le grand rêve de voler dans l'espace, de voir la Terre de l'extérieur et de voir le monde dans sa globalité toutes les 90 minutes, de flotter tout librement, sans gravité. C'est la combinaison de tout cela qui me motive à aller dans l'espace. » Dans le cadre de cette mission, Matthias Maurer réalisera une très grande variété d'expériences scientifiques à caractère médical et scientifique qui toucheront de nombreux domaines, comme les sciences de la vie, la santé, la croissance des plantes, la mécanique des fluides, le comportement des matériaux ainsi que la démonstration de nouvelles technologies et la réalisation de programmes à destination des communautés universitaires et scolaires. Certaines de ces expériences serviront à préparer les prochaines étapes de l'exploration qui mèneront les Hommes sur La Lune et Mars.
Le saviez-vous ?
Lors de son temps libre à bord de la Station spatiale, Matthias Maurer a prévu de réaliser des activités dont certaines seront partagées sur les réseaux sociaux. Deux lui tiennent particulièrement à cœur. Après ses études, l’astronaute a réalisé un tour du monde et souhaite « photographier depuis l’espace chaque étape réalisée et les mêmes lieux visités lors de ce tour du monde ». Enfin, « rendre la pareille » à Lucas Parmitano qui a été le premier DJ de l'espace, le temps d'un court set destiné à une nuit électro organisée sur un bateau de croisière à Ibiza. « À l’époque j’étais en soutien au sol. »
Sans surprise, les expériences liées à la physique des matériaux intéresseront particulièrement Matthias Maurer, qui a étudié la science et le génie des matériaux dans quatre universités européennes. Et notamment celles qui lui permettront de « développer de nouveaux matériaux et alliages plus performants » avec des retombées très concrètes sur Terre. « Ils pourront être utilisés dans la construction de moteurs d'avions et de voitures afin de les rendre plus légers, avec à la clé une consommation d'énergie pour les faire fonctionner. »
Préparer l'Homme à vivre et travailler en autonomie dans l'espace
La santé des astronautes est un sujet de préoccupation majeur et plusieurs expériences médicales et physiologiques sont prévues pour préparer au mieux les futurs voyages à destination de la planète Mars. Malgré la multitude d'expériences sur les effets de la microgravité sur la santé des astronautes déjà réalisées, il faut savoir que ces expériences prennent beaucoup plus de temps que celles menées sur Terre. Elles durent en général entre trois et cinq ans, car il faut récolter les données de plusieurs astronautes si l'on veut obtenir un résultat significatif au niveau statistique. D'où la répétition des expériences médicales d'une mission à une autre. C'est notamment vrai pour le risque d'ostéoporose, une maladie qui entraîne une détérioration de la densité et de la force des os et qui peut « constituer un obstacle majeur aux vols de longue durée, notamment ceux à destination de Mars ». Aujourd'hui, les mesures préconisées pour prévenir et contenir ce risque « pourraient ne pas s'avérer suffisantes », rappelle Matthias Maurer, et donc « le risque de se fracturer un membre une fois arrivé à destination est bien réel ».
D'autres voies sont à l'étude pour élaborer de nouvelles contre-mesures, voire de nouveaux traitements, en « complément des traditionnels exercices physiques qui rythment l'activité quotidienne des astronautes à bord de l'ISS », par exemple « une meilleure alimentation ». L'absence de gravité a aussi des « effets indésirables sur la vue des astronautes » qui peut se traduire par « une perte d'une partie de leur vision ». Lors de son premier séjour à bord de l'ISS, Thomas Pesquet avait reconnu ressentir que sa vue avait diminué dans l'ISS. Ces problèmes de vision sont pris très au sérieux en prévision des voyages à destination de Mars. Dans les cas les plus extrêmes, le « risque est qu'un astronaute arrive aveugle à destination ». N'oublions pas que les études menées pour la santé des astronautes et les efforts de recherche « contribuent et contribueront toujours, à prévenir et à traiter l'ostéoporose sur Terre et les myopathies par exemple ».
Matthias Maurer : « Contrairement à Elon Musk qui croit que notre futur est dans l’espace et semble convaincu que la Terre est condamnée et souhaite que l’Homme devienne une civilisation spatiale et une espèce multiplanétaire, je pense, au contraire, que notre Planète doit rester notre lieu de vie et qu’il faut la préserver. Cette conquête de l'espace ne doit pas se faire avec l'objectif de trouver une Terre de substitution. Mars ne sera pas notre deuxième planète. La nôtre est là, menacée par nos activités, et il faut faire en sorte de la protéger. Néanmoins, je suis d’accord avec lui sur d’autres points. Nous devons devenir une espèce multiplanétaire car il y a tellement à apprendre dans l’espace. Mais aller dans l’espace, ce n’est pas simple et il faut maîtriser une technologie plus avancée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Selon moi, la stratégie de SpaceX qui s’appuie sur la réutilisation est la bonne si l’on veut vraiment explorer l’espace. » © ESA, P. Carril
Pour vivre et travailler sur la Lune et Mars, voire sur un astéroïde, la maîtrise d'un certain nombre de nouvelles technologies sera nécessaire, dont celles qui nous permettront d'exploiter et d'utiliser les ressources in situ. Dans ce contexte, le programme Artemis de la Nasa, qui prévoit l'installation d'un camp de base au pôle Sud, sera riche d'enseignement. « Il déterminera l'avenir de l'exploration humaine ! » Si sur la Lune on ne « parvient pas à démontrer qu'il est possible d'utiliser les ressources lunaires pour soutenir une présence humaine, aucune agence spatiale ne s'engagera dans un voyage humain à destination de Mars ». Une des expériences que réalisera Matthias Maurer doit démontrer que l'on peut construire des infrastructures en dur, à partir du régolithe lunaire. « On souhaite démontrer que du régolithe lunaire peut être à la base de la fabrication additive qui, aujourd'hui, utilise essentiellement des polymères. »
Pour pouvoir vivre en autonomie sur la Lune et sur Mars, il sera également nécessaire de recycler au maximum l'air, les déchets et l'eau. À bord de l'ISS, l'eau consommée est issue à 80 % du recyclage de la transpiration, des urines et autres eaux souillées. Pour améliorer ce taux, une expérience doit « permettre d'améliorer le taux de recyclage de l'air et de l'eau à bord de l'ISS et nous souhaitons bientôt arriver à 92 % ». Cette technologie développée pour l'ISS est aussi de nature à améliorer la qualité de vie sur Terre en « l'adaptant pour le recyclage des eaux dans les régions terrestres qui en manquent, voire pour des systèmes de purification ».
Les astronautes européens Matthias Maurer et Thomas Pesquet devant l'étage principal et réutilisable d'un Falcon 9 de SpaceX. © ESA
Un entraînement a minima pour voler à bord du Crew Dragon et préserver ses secrets
Sans surprise, l'entraînement des astronautes pour voler à bord du Crew Dragon est « très différent de celui nécessaire pour Soyouz ». En raison de la conception du Soyouz, qui date de la fin des années 1960, l'apprentissage à son utilisation « était très mécanique, car un vol Soyouz peut être manuel de A à Z si nécessaire ». A contrario, la préparation au Crew Dragon est plutôt de type « logiciel ». On passe d'une époque à une autre « où il nous faut apprendre quoi faire quand un logiciel "bugue", plutôt qu'à savoir comment piloter un véhicule à partir d'une multitude de boutons ». La période d'entraînement est aussi plus courte. « À bord de Crew Dragon c'est la technologie qui fait tout ! », au point que le pilote ne « pilote pas vraiment, se contentant de surveiller et confirmer les décisions de l'ordinateur de bord. »
Thomas Pesquet et Matthias Maurer seront de « simples » passagers à bord du Crew Dragon. Cela peut surprendre, mais les entreprises SpaceX et Boeing souhaitent initialement se concentrer sur le succès des missions et « éviter la bureaucratie autour des questions de transfert de technologies aux étrangers et d'exposition de secrets industriels » que les deux astronautes auraient pu approcher dans le cadre d'exercices plus poussés, comme ceux nécessaires pour devenir pilote ou commandant de bord.
météo astronomie 2020 Decembre
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