LE 17.03.2020: Actualité de l'astronomie / Moteurs électriques : des perspectives d’utilisation inédites dans l’espace.
- Par dimitri1977
- Le 17/03/2020 à 12:29
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Moteurs électriques : des perspectives d’utilisation inédites dans l’espace
Journaliste
Aujourd'hui, la propulsion électrique, qui ne dispose pas de tuyère pour orienter la poussée du moteur, est limitée dans ses manœuvres orbitales. La startup autrichienne Enpulsion a conçu un moteur doté d'une technologique inédite qui permet le contrôle du vecteur de poussée, sans pièce mobile ni système mécanique. Une première mondiale ! Les explications très techniques de Stéphane Mazouffre, directeur de recherche au CNRS, au sein du laboratoire Icare à Orléans.
Aujourd'hui, les propulseurs électriques sont indissociables de la gamme des petits satellites, en particulier les nanosatellites, notamment parce qu'ils permettent d'atteindre une grande vitesse d'éjection, ce qui se traduit directement par une très faible consommation d'ergol. C'est cette « caractéristique qui les rend parfaitement compatibles avec les exigences des petits satellites en matière de masse et de volume », nous explique Stéphane Mazouffre, directeur de recherche au CNRS, au sein du laboratoire Icare à Orléans.
Mais, si la propulsion électrique « offre de nombreux avantages sur la propulsion conventionnelle chimique », suscitant un intérêt grandissant pour son utilisation dans diverses manœuvres, maintien à poste, contrôle d'attitude et de trajectoire, vol interplanétaire, etc., elle présente un « point faible qui bride son potentiel, notamment pour les missions d'exploration ». En effet, à ce jour aucun moteur électrique ne « peut orienter son vecteur de poussée, comme peuvent le faire les moteurs chimiques en utilisant des tuyères orientables ». Un choix qui s'explique moins par « des difficultés techniques de mise en œuvre que par un souci de simplicité et de maîtrise de la masse du satellite ». Bien sûr cela n'empêche nullement de « réaliser des transferts d'orbite, de corriger l'orientation et la trajectoire mais les opérateurs de satellites sont contraints pour des manœuvres combinées ou successives, telles que le transfert et la correction d'attitude, ainsi que pour les missions interplanétaires ».
Du fait du déploiement de plusieurs constellations de petits satellites, la mise en œuvre de méga-constellations et des projets de remorqueurs spatiaux et d'activités de service en orbite, tous les acteurs (motoristes, agences spatiales, utilisateurs) « sont à la recherche d'une plus grande agilité et liberté de manœuvre, difficilement réalisables avec les modes de propulsion électrique en service ». Aujourd'hui, « si l'on souhaite gagner en flexibilité », il faut des systèmes mécaniques, voire des bras comme c'est le cas sur le satellite Eutelsat 172B. « Des solutions qui coûtent cher et ajoutent de la complexité et de la masse. »
Le propulseur IFM nano SE avec ses trois électrodes d'accélération. Dans la version standard de ce moteur, il y a seulement une électrode, c'est-à-dire un cercle de sorte que le faisceau est aligné avec l'axe du moteur. En séparant l'électrode en trois arcs, le faisceau ne sera évidemment plus symétrique et le vecteur de poussée sera orienté vers la partie en question. © Enpulsion
Demain, en raison des progrès faits dans la miniaturisation des instruments et des capteurs, ces petits satellites « pourraient ne plus se cantonner à l'orbite basse mais jouer un rôle dans l'exploration du Système solaire ». Suivant la voie ouverte par les deux MarCO (Mars Cube One A et B), qui ont relayé les données de l'atterrissage sur Mars de la sonde InSight de la Nasa, ces satellites seront de plus en plus « utilisés dans le cadre de missions d'exploration lointaine à destination de Mars et d'astéroïdes (mission Hera), voire des voyages interplanétaires vers les planètes Saturne, Jupiter et leurs satellites ». D'où ce besoin de souplesse et d'agilité.
Une innovation majeure
Dans ce contexte, la startup autrichienne Enpulsion vient de mettre sur le marché le propulseur IFM Nano Thruster SE « qui permet le contrôle du vecteur de poussée sans pièce mobile ni système mécanique, une première mondiale », souligne Stéphane Mazouffre dont le laboratoire collabore étroitement avec Enpulsion. L'idée de la startup autrichienne est de jouer avec le « champ électrique de façon à modifier la trajectoire des ions qui peuvent ainsi être éjectés en dehors de l'axe du propulseur ». L'option choisie par Enpulsion, pour avoir le système le moins complexe possible et la capacité d'orienter le vecteur sur une grande plage angulaire « est l'utilisation d'un de trois électrodes accélératrices disjointes ».
Concrètement, les ions positifs d'indium produits par les injecteurs (anode, pôle +) sont extraits et accélérés grâce à une électrode circulaire (cathode, pôle -) située en aval de la couronne d'injecteurs. Cette électrode est polarisée à haute tension pour donner une grande vitesse aux ions. Comme la couronne d'injecteur et l'électrode sont à géométrie cylindrique et alignées, le faisceau d'ions est symétrique autour de l'axe du propulseur (propulseur IFM nano). Si on découpe l'électrode, on peut briser la symétrie (propulseur IFM nano SE). En effet, si on polarise uniquement un segment, alors les ions iront préférentiellement vers ce segment. En séparant l'électrode en trois arcs de cercle et selon la partie polarisée, le faisceau ne sera évidemment plus symétrique et le vecteur de poussée sera orienté vers la partie en question. Dit autrement, en jouant sur la polarisation des électrodes on joue sur l'angle du vecteur de poussée.
Propulseur IFM nano en tir - Couronne d'injecteurs d'indium (la couleur vient du plasma d'indium). © Enpulsion
Résultat, des « manœuvres plus précises qui consomment moins d'ergols ». Le maintien de l'orientation des satellites est ainsi facilité. Autre avantage potentiel, un satellite équipé de ce propulseur pourrait être « susceptible de se passer de roues à inertie ».
C'est évidemment une grande avancée qui va « augmenter l'attractivité opérationnelle, déjà forte, de cette gamme de satellites ». Elle ouvre également de nouvelles perspectives en matière de « contrôle de trajectoire et simplification des systèmes ». Pour les satellites de type nano, de seulement quelques dizaines de centimètres, ce type de moteur va « non seulement renforcer leur attractivité mais également libérer tout leur potentiel, freiné en partie aujourd'hui par ce manque d'agilité ». L'émergence de cette technologique apparaît aussi comme un nouveau levier de compétitivité et représente une opportunité technologique et scientifique à saisir pour les futurs projets d'exploration robotique qui s'appuient sur cette gamme de satellites.
Ainsi, les petits satellites qui opèrent au-delà des orbites basses (géostationnaire, interplanétaire) et qui ne peuvent pas désaturer leurs roues à inertie (qui servent à corriger l'attitude et la trajectoire) à l'aide d'un magnétorqueur ou qui ne peuvent pas faute d'un volume suffisant embarquer plusieurs moteurs, la vectorisation permet de corriger les désalignements (du vecteur de poussée par rapport au centre de masse) et par exemple de réussir une mission interplanétaire à moindre coût. Autre intérêt, les satellites en orbite basse qui ont besoin pour atteindre leur objectif d'un alignement parfait de leur vecteur de poussée.
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