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LE 29.07.2020: Actualité de la météo/Les racines des plantes du permafrost contribuent aux émissions de gaz à effet de serre

Par Antoine Duval le 25.07.2020 à 12h00ABONNÉS

En plus du carbone qu’il emprisonne déjà, le permafrost sera à l’origine de l’émission de 40 gigatonnes (soit 40 milliards de tonnes) supplémentaires de gaz à effet de serre d’ici 2100, d’après une nouvelle étude. Les travaux des chercheurs se basent sur l’activité des racines végétales lors de la décongélation de certaines zones du permafrost.

Toundra près des terres arctiques

Près des terres arctiques, des paysages végétaux comme cette toundra se développent.

ANDREJ SHAPRAN / SPUTNIK / SPUTNIK VIA AFP

Le permafrost (ou pergélisol), qui constitue 20 % de la surface terrestre globale, est une portion gelée de la Terre. Mais durant l'été, la partie supérieure du permafrost, dénommée “couche active”, décongèle et libère ainsi microorganismes, plantes et… de nombreux gaz à effet de serre (GES). La plupart des émissions de ces gaz ont déjà été prises en compte dans le calcul du “budget carbone” (qu'il nous reste à émettre pour éviter une augmentation de la température globale de 1,5° C). Mais une équipe internationale de chercheurs de l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), de l'Université de Stockholm et du CIRC de l'Université d'Umeå (Climate Impacts Research Center, pour centre de recherche sur les impacts climatiques) en Suède a pu déterminer que les racines des plantes, via leurs interactions avec les sols et microorganismes de la couche active, étaient responsables d'émissions de gaz à effet de serre dans des quantités non négligeables.

“Effet priming” : un phénomène connu mais dont les conséquences n’avaient jamais été évaluées

A l'été, lorsque les sols de la couche active du permafrost dégèlent, des espèces végétales en tout genre (toundra, forêts boréales, etc. selon la région) peuvent alors y croître. Au sein de la rhizosphère qui se réveille alors (celle-ci définit la zone de croissance des racines d'un végétal, comprenant le sol et les organismes et nutriments qui le composent), des interactions se réinstallent entre microorganismes terrestres et racines. En effet, ces dernières vont servir de véritable vecteurs à la croissance des organismes voisins. En respirant, les microorganismes vont par la suite libérer des gaz à effet de serre. C'est l'”effet priming”, connu des scientifiques depuis bien longtemps. Mais son impact sur le taux de GES dans l'atmosphère était inconnu, avant cette étude publiée dans Nature Geoscience.

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L'"effet priming" "est étudié depuis les années 1950", explique sur le blog du CIRC Birgit Wild, professeur à l'Université de Stockholm et co-première auteure de la publication avec Frida Keuper, de l'Inrae. “C'est facile à démontrer en laboratoire, sans problèmes. Mais c'est très difficile à grande échelle ; dans un environnement naturel. Nous étions toutes deux ennuyées d'écrire des publications qui auraient prétendu que [l'impact de "l'effet priming" sur le changement climatique] était si important sans avoir aucune idée de si c'était vrai ou non.” C'est dans ce contexte que les deux chercheuses ont lancé la première étude évaluant l'impact global de l'"effet priming" sur le réchauffement climatique, de 2010 à 2100.

Schéma recueilli dans le communiqué de presse de l'Inrae. Crédits : INProduktie, Amsterdam

Une modélisation des populations végétales et activités de la couche active

“Nous avons créé un modèle [appelé PrimeSCale] qui intègre les activités des racines des plantes et des microbes avec les propriétés physico-chimiques du sol”, explique à Sciences et Avenir Frida Keuper, chargée de recherches à l'Inrae. Ce modèle s'appuie sur deux méta-analyses. La première permettant de modéliser la relation entre "effet priming" et activité des plantes et la seconde montrant la distribution des racines dans les sols du permafrost. “Nous avons combiné ces relations issues des méta-analyses avec des bases de données [...] sur le stockage du carbone organique du sol, la composition de la matière organique du sol, l'activité photosynthétique des plantes, l'épaisseur de la couche active, les taux de respiration microbienne et le type de végétation, dans la zone de pergélisol du nord circumpolaire”, détaille pour Sciences et Avenir le Dr Keuper. PrimeSCale permet alors une estimation de la magnitude de l'"effet priming" rhizosphérique du permafrost arctique. 

Les résultats ont étonné les deux chercheuses. “Quand j’ai organisé l’étude, je pensais que les chiffres seraient marginaux. Je me suis dis, nous devons savoir approximativement si c’est important ou non, et j’avais une forte intuition que [les résultats] ne seraient pas importants”, explique Frida Keuper au CIRC. “J’ai pensé, puisque les racines des plantes n’atteignent que la couche supérieure du sol, et que leur période de croissance est courte, [les conséquences] ne seraient pas importantes, mais j’ai été totalement surprise.” Les résultats obtenus montrent en effet que l’"effet priming" seul induirait l’émission de 40 Gigatonnes de GES depuis le permafrost d’ici 2100, en plus des 57 Gigatonnes déjà “prévues” par d’autres études. A titre de comparaison, pour limiter l’augmentation des températures mondiales de 1,5° C, les études ayant menées au “budget carbone” limitaient à 200 gigatonnes les émissions en carbone.

 

 

SOURCES SCIENCES AVENIR

 

 

2020 juillet astronomie météo

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