TROU NOIR

  • LE 11.05.2020: Actualité de l'astronomie / Découverte du trou noir le plus proche de la Terre connu.

    Découverte du trou noir le plus proche de la Terre connu

     

    Rémy Decourt

    Journaliste

     

    Des astronomes de l'ESO ont découvert un trou noir de petite taille à seulement 1.000 années-lumière de la Terre. Une découverte très inattendue et qui laisse présumer que la Voie lactée compte bien plus de trous noirs qu'on ne le pense. Les explications de Thomas Rivinius, scientifique de l'ESO et auteur principal de l'étude publiée ce jour au sein de la revue Astronomy & Astrophysics.

     

    Une équipe d'astronomes de l'Observatoire européen austral (ESO) et d'autres instituts a découvert l'existence d'un trou noir distant de 1.000 années-lumière seulement de la Terre de façon tout à fait fortuite ! Alors qu'elle observait le système baptisé HR 6819 dans le cadre d'une étude consacrée aux systèmes d’étoiles doubles, l'équipe de Thomas Rivinius s'est rendu compte de l'existence d'un troisième objet, parfaitement inconnu : un trou noir.

    À seulement 1.000 années-lumière de nous, ce trou noir est le plus proche du Système solaire jamais détecté ! Grâce au télescope MPG/ESO de 2,2 mètres installé à l'Observatoire de La Silla de l'ESO au Chili, l'équipe a pu suivre les mouvements de ses deux étoiles compagnons et déduire l'existence de cet objet invisible. Aux dires des astronomes, ce système pourrait bien n'être que la partie émergée de l'iceberg. C'est-à-dire que de nombreux trous noirs similaires pourraient être découverts dans un avenir proche.

    Sur cette vue à grand champ figure la région du ciel, dans la constellation du Télescope, qu’occupe HR 6819, un système triple composé de deux étoiles et du trou noir le plus proche de la Terre détecté à ce jour. Cette vue résulte d’une combinaison d’images issues du Digitized Sky Survey 2. Le trou noir ne peut être aperçu, à la différence des deux étoiles qui composent HR 6819, visibles depuis l’hémisphère Sud par temps clair et par nuit noire, sans jumelles ni télescope. © ESO, Digitized Sky Survey 2, Davide De Martin

    Sur cette vue à grand champ figure la région du ciel, dans la constellation du Télescope, qu’occupe HR 6819, un système triple composé de deux étoiles et du trou noir le plus proche de la Terre détecté à ce jour. Cette vue résulte d’une combinaison d’images issues du Digitized Sky Survey 2. Le trou noir ne peut être aperçu, à la différence des deux étoiles qui composent HR 6819, visibles depuis l’hémisphère Sud par temps clair et par nuit noire, sans jumelles ni télescope. © ESO, Digitized Sky Survey 2, Davide De Martin 

     

    Le premier système triple composé d’un trou noir visible à l’œil nu

    Comme le souligne Petr Hadrava, scientifique émérite de l'Académie des Sciences de la République tchèque à Prague et coauteur de l'étude, « nous avons été très surpris de constater qu'il s'agissait du tout premier système stellaire composé d'un trou noir visible à l'œil nu ». En effet, ce système triple est si proche de nous que les étoiles qui le composent peuvent être observées à l'œil nu par temps clair et par nuit noire depuis l'hémisphère Sud. Par définition, le trou noir étant évidemment invisible !

    Pour déterminer l'existence de ce trou noir, les scientifiques se sont appuyés sur les observations du spectrographe du télescope MPG/ESO qui ont montré que l'une des deux étoiles visibles à l'œil nu orbitait, sur une période de 40 jours, autour d'un imperceptible objet, tandis que la seconde étoile se trouvait à plus grande distance de cette paire intérieure. L'équipe a pu détecter sa présence et déterminer sa masse en étudiant l'orbite de l'étoile composant la paire intérieure. « Un objet invisible doté d'une masse équivalant à 4 masses solaires ne peut être qu'un trou noir », conclut Thomas Rivinius. Il s'agit de l'un des tout premiers trous noirs de masse stellaire découvert à ce jour qui n'interagit pas violemment avec son environnement et qui, par voie de conséquence, nous apparaît véritablement noir.

    Cette découverte renforce l'idée que la Voie lactée abriterait bien plus que les quelques dizaines de trous noirs déjà détectés. Toutefois, les scientifiques estiment que, depuis la naissance de la Voie lactée, un nombre beaucoup plus élevé d'étoiles se sont effondrées en trous noirs à la fin de leur existence. La découverte d'un trou noir silencieux et invisible au sein du système HR 6819 offre des clés de détection spatiale de nombreux trous noirs dissimulés au sein de la Voie lactée. « Des centaines de millions de trous noirs doivent s'y trouver, mais nous n'en connaissons que très peu. Savoir ce qu'il faut chercher devrait nous permettre de mieux les détecter », ajoute Thomas Rivinius.

    Zoom sur le système triple HR 6819. En fin de vidéo, une animation montrant ce système triple composé du trou noir où figurent les orbites et les mouvements des objets composant ce système triple. HR 6819 est constitué d’une binaire interne dotée d’une étoile (trajectoire de couleur bleue) et d’un trou noir (trajectoire de couleur rouge). À mesure que nous nous éloignons de cette paire intérieure, nous apercevons l’objet le plus externe du système, une autre étoile décrivant une orbite plus étendue (également de couleur bleue). © ESO, YouTube

    La parole à Thomas Rivinius, scientifique de l'ESO et auteur principal de l’étude publiée ce jour au sein de la revue Astronomy & Astrophysics.

     

    Futura : Cette découverte vous a surpris, elle était très inattendue ?

    Thomas Rivinius : En effet.Nous cherchions quelque chose de tout à fait différent, n'attendant qu'un système stellaire binaire normal. Nous espérions que des observations détaillées nous aideraient à comprendre pourquoi les deux étoiles normales à l'intérieur sont si différentes : l'une (l'étoile extérieure Be) tourne si rapidement qu'elle s'envole presque (elle éjecte de la matière d'elle-même, principalement en raison de cette rotation rapide), et l'autre tourne très lentement.

    Puis, nous avons compris qu'il y avait en fait trois objets ! Je tiens à préciser qu'initialement, cette étude avait été menée par un collègue, Stan Štefl (décédé tragiquement dans un accident de voiture en 2014, c'est pourquoi l'étude a calé un peu à l'époque). Nous l'avons maintenant reprise à notre compte aussi parce que nous avons découvert récemment un système que nous pensons être un système triple similaire avec un trou noir nommé LB-1. De plus amples observations sont nécessaires pour confirmer notre intuition.

     

    Un trou noir dans un système triple, c'est plutôt surprenant ?

    Thomas Rivinius : Oui.Une curiosité même ! La plupart des modèles de l'évolution de ces étoiles et de l'explosion de la supernova elle-même prédiraient qu'un tel système serait perturbé et les objets individuels se sépareraient. Le fait que HR 6819 existe toujours en tant que système triple indique que cela ne se produit pas toujours.

     

    Devons-nous nous inquiéter de la découverte d'un trou noir aussi proche de la Terre ?

    Thomas Rivinius : Pour la Terre, pas vraiment. En tant que trou noir de masse stellaire, il ne fait que quelque dix kilomètres de diamètre. Donc, à ce stade, il ne représente même pas un danger pour son voisin immédiat, que nous appelons « l'étoile intérieure B » dans notre étude. Et les deux sont plus proches l'un de l'autre que le Soleil et la Terre. Cependant, à mesure que cette étoile intérieure évolue avec le temps, elle grandira, puis le trou noir commencera à en avaler au moins une partie. Mais c'est encore dans des millions d'années à venir, peut-être même des dizaines de millions d'années !

    Une autre question est de savoir si la supernova d'origine, qui a probablement formé ce trou noir, était dangereuse pour la Terre. Mais ce n'était probablement pas le cas, quand elle a explosé, il y a peut-être 15 à 70 millions d'années. Elle était également à plusieurs centaines de parsecs, pas beaucoup plus près que maintenant (310 pc). C'est considéré comme une distance de sécurité pour une supernova.

    Sur cette vue d’artiste figurent les orbites des objets composant le système triple HR 6819. Ce système est constitué d’une binaire interne dotée d’une étoile (trajectoire de couleur bleue) et d’un trou noir récemment découvert (trajectoire de couleur rouge), ainsi que d’une troisième étoile décrivant une orbite plus étendue (également de couleur bleue). © ESO, L. Calçada

    Sur cette vue d’artiste figurent les orbites des objets composant le système triple HR 6819. Ce système est constitué d’une binaire interne dotée d’une étoile (trajectoire de couleur bleue) et d’un trou noir récemment découvert (trajectoire de couleur rouge), ainsi que d’une troisième étoile décrivant une orbite plus étendue (également de couleur bleue). © ESO, L. Calçada 

     

    Qu'apporte la découverte de ce trou noir ?

    Thomas Rivinius : Le point le plus intéressant est que ce n'est probablement pas très spécial ! Il est assez proche, et à moins que nous ne considérions notre environnement local comme une exception, il doit y en avoir beaucoup d'autres. Nous n'en connaissons que quelques dizaines réparties un peu partout dans toute notre Galaxie, principalement parce qu'ils accumulent beaucoup de matière de leur environnement, ce qui les fait briller dans le rayonnement X. Nous estimons, cependant, qu'il doit y avoir des centaines de millions à un milliard de trous noirs supplémentaires dans la Voie lactée, qui ressemblent davantage à celui découvert dans ce système triple : calmes, car ils n'ont rien à accumuler et donc très difficiles à détecter.

     

    Le fait que le système soit si brillant et si proche l'ouvre à des investigations beaucoup plus détaillées que les systèmes plus éloignés ?

    Thomas Rivinius : Être si proche et brillant signifie que nous pourrons peut-être résoudre le système en ses composants individuels. Seule l'interférométrie a cette capacité qui consiste à combiner un certain nombre de télescopes de façon à obtenir une vue aussi nette que si vous aviez un télescope géant de la même taille que les télescopes individuels séparés. Dès que nos observatoires à Paranal recommenceront à fonctionner et que mon équipe pourra utiliser le VLTI (Very Large Télescope Interferometer), nous essaierons cela. Je suis vraiment impatient de le faire.

    Une deuxième possibilité est d'observer HR 6819 dans le X. Bien que ses émissions dans le X montrent que l'activité de ce trou noir est très calme, cela ne signifie pas que rien ne se passe ! Le trou noir accumule probablement quelque chose de l'environnement local, mais comme il est de faible densité, ses capacités à avaler de la matière sont forcément limitées. Toutes les autres observations que nous avons proviennent de trous noirs ayant des taux d'accrétion beaucoup plus élevés. Il reste à démontrer que tout fonctionne de la même manière, même à des taux d'accrétion très faibles, comme avec ce trou noir.

    Source: https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/trou-noir-decouverte-trou-noir-plus-proche-terre-connu-80887/?fbclid=IwAR1fdOwrerfc3VztloXYBt0ZYC7tmcBc_zCSweQegHeH3aS_Ahfb-0CQT40#utm_content=futura&utm_medium=social&utm_source=facebook.com&utm_campaign=futura

  • LE 7.05.2020: Actualité de l'astronomie / Trou noir : le quasar OJ 287 fournit une preuve du théorème de la calvitie.

    Trou noir : le quasar OJ 287 fournit une preuve du théorème de la calvitie

     

    Laurent Sacco

    Journaliste

     

     

    Derrière le quasar OJ 287, se trouve un système binaire de deux trous noirs supermassifs qui constitue un laboratoire d'astrophysique relativiste. Avec l'aide du satellite Spitzer, il vient de servir à faire passer un test à la théorie des trous noirs, plus précisément en relation avec le théorème de la calvitie.

     

    Il est généralement convenu d'appeler « Âge d'or » de la physique théorique des trous noirs, la période qui s'étend depuis la découverte en 1963 par Roy Kerr, de sa solution décrivant un trou noir en rotation jusqu'à la découverte par Stephen Hawking de l'évaporation des trous noirs en 1973. Les travaux de plusieurs physiciens et mathématiciens de l'époque allaient permettre de donner un sens précis et rigoureux à ce qu'il fallait entendre par trou noir dans le cadre de la théorie de la relativité générale ainsi que leurs principales propriétés. Une exposition des principaux résultats obtenus peut se trouver dans le fameux ouvrage Gravitation que le prix Nobel de physique Kip Thorne avait co-écrit et publié en 1973 avec ses collègues John Wheeler et Charles Misner.

     

    Les trous noirs n'ont pas de « cheveux »

    L'une des propriétés les plus étonnantes des trous noirs, qui contenait en germe le fameux paradoxe de l’information associé à ces objets, est ce que Wheeler avait baptisé le « No hair theorem », ce que l'on a traduit par le théorème de la calvitie en anglais. Stephen Hawking, et surtout  Werner Israel, ont contribué à la démonstration de ce théorème qui affirme qu'un trou noir et son champ de gravitation sont uniquement déterminés par au plus trois quantités (si l'on exclut les charges magnétiques associées aux monopoles que l'on n'a jamais observées) et même, en pratique, uniquement deux en astrophysique, à savoir une masse totale et un moment cinétique total associé à une rotation du trou noir.

    Ces deux nombres ne sont pas suffisants pour décrire le champ de gravitation d'un objet comme la Terre ou le Soleil car la matière dans ces astres est répartie de façon inhomogène avec des densités variables. Le champ de gravité au-dessus d'une montagne, par exemple, n'est pas le même qu'au dessus d'un désert de sorte qu'un satellite qui se déplace au-dessus de la Terre ne va pas avoir une trajectoire parfaitement régulière. Elle sera accidentée, comme le sont la surface et l'intérieur de notre Planète bleue avec, par exemple, des mouvements de convections de panaches chauds et moins denses dans son manteau. Dit d'une autre manière, la Terre n'est pas un objet parfaitement lisse et son champ de gravitation ne l'est pas non plus, et l'on doit faire intervenir des quantités supplémentaires, des « cheveux » pour reprendre l'analogie initiale pour décrire son champ de gravitation.

    Le prix Nobel de physique indien Subrahmanyan Chandrasekhar a été un pionnier de la théorie des étoiles relativistes dans les années 1960 et de celle des trous noirs dans les années 1970. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NDTV

     

    Les trous noirs, des objets étonnamment simples et « lisses »

    Il n'y a rien de tel avec un trou noir qui est donc un objet parfaitement lisse, ce qui est très surprenant comme n'a pas manqué de le souligner le prix Nobel de physique Chandrasekhar dans une conférence donnée à l'occasion de la réception de son prix. En effet, à la fin de celle-ci, le grand astrophysicien indien fit les fascinantes remarques suivantes concernant la théorie mathématique des trous noirs :

    « Je ne sais pas si toute la portée de ce que j'ai dit est claire. Laissez-moi vous expliquer. Les trous noirs sont des objets macroscopiques avec des masses variant de quelques masses solaires à des milliards de masses solaires. Lorsqu'ils peuvent être considérés comme stationnaires et isolés, ils sont tous, chacun d'entre eux, décrits exactement par la solution de Kerr. C'est le seul cas connu où nous avons une description exacte d'un objet macroscopique.

    Les objets macroscopiques tout autour de nous sont régis par une variété de forces, décrites par diverses approximations de plusieurs théories physiques. [...] En revanche, les seuls éléments de construction de trous noirs sont nos concepts de base de l'espace et du temps. Ils sont ainsi, presque par définition, les objets macroscopiques les plus parfaits de l'univers. Et, puisque la théorie de la relativité générale nous fournit une famille de solutions dépendant uniquement de deux paramètres pour leur description, ils sont aussi les objets les plus simples de l'univers ».

    Or, il se trouve que, dans les années 1970, Kip Thorne avait proposé un scénario pour tester, en partie au moins, la validité du théorème de la calvitie avec un trou noir. Il fallait pour cela trouver un objet en orbite autour d'un trou noir et étudier ses mouvements pour voir justement à quel point sa trajectoire était régulière ou au contraire perturbée par un champ de gravitation inhomogène, un peu comme si l'objet se déplaçait sur une surface bosselée et non pas lisse.

    Cette animation montre la trajectoire du trou noir autour du trou noir supermassif derrière le quasar OJ 287. Elle traverse plusieurs fois un disque d'accrétion vue par la tranche (edge-on) et chaque traversée donne lieu à une brusque éruption produisant une tout aussi brusque augmentation de la luminosité du quasar et ce, depuis les années 1900, comme le montre le graphique à droite de l'animation. © Nasa, Spitzer

    Il se trouve également que la nature nous a fourni un exemple de cette situation et qu'elle a donc permis de faire passer un test à ce théorème comme l'explique une équipe internationale d'astrophysiciens dans un article publié dans The Astrophysical Journal mais que l'on peut consulter en accès libre sur arXiv.

     

    Un laboratoire pour tester la théorie de la relativité générale

    Pour cela, les chercheurs ont mobilisé les observations du défunt télescope Spitzer en ce qui concerne un quasar bien connu qui avait déjà commencé à servir de test pour la relativité générale comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous. Dénommé OJ 287, ce quasar est un trou noir supermassif situé à environ 3,5 milliards d'années de la Terre. C'est l'un des plus massifs observés puisqu'il contient environ 18 milliards de masses solaires mais son autre particularité est qu'il n'est pas seul car un trou noir également supermassif mais ne contenant que 150 millions de masses solaires (celui de la Voie lactée en contient 4) est en orbite très rapprochée autour de lui.

    En effet, le second trou noir ne met que 12 ans pour boucler cette orbite mais celle-ci est inclinée au-dessus du plan du disque d'accrétion entourant le trou noir principal et elle subit un mouvement de précession comme dans le cas de Mercure autour du Soleil du fait de la théorie de la relativité générale. Le petit trou noir passe donc deux fois à travers le disque d'accrétion pendant une période de 12 ans mais à des dates qui peuvent être espacées d'entre un à dix ans et ce, depuis des décennies que l'on observe comme on peut s'en convaincre en regardant la vidéo ci-dessus.

    À chaque passage dans le disque d'accrétion, il se produit une brusque éruption qui fait quadrupler la brillance du quasar pendant 48 h comme si un milliard d'étoiles s'allumaient brutalement, ce qui est supérieur à la luminosité de la Voie lactée.

    Il y a dix ans, des astrophysiciens relativistes avaient déjà réussi à modéliser la situation au point de pouvoir prédire à quelques semaines près l'occurrence d'une éruption. Depuis, la modélisation s'est affinée, toujours en tenant compte des pertes d'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles subies par ce trou noir binaire. Les chercheurs ont donc estimé à quelques heures près l'occurrence du flash de lumière émis le 31 juillet 2019.

    Ce flash n'était pas observable avec les instruments terrestres car, à ce moment là, OJ 287 était de l'autre côté du Soleil par rapport à la Terre, hors de vue de tous les télescopes au sol, et en orbite terrestre. Mais ce n'était pas le cas de Spitzer qui, lui, se trouvait à environ à 254 millions de kilomètres de la Terre, soit plus de 600 fois la distance entre la Terre et la Lune, et alors qu'il n'était pas encore retiré du service (ce fut le cas en janvier 2020).

    Le succès de cette prévision montre que le champ de gravitation autour de OJ 287 est bien celui attendu sur le théorème de la calvitie est bien valable, ce qui accrédite l'idée qu'il y a bien un trou noir de Kerr en rotation décrit par les équations de la théorie de la relativité générale d'Einstein et pas un autre objet exotique encore inconnu, éventuellement décrit par une autre théorie de la gravitation au cœur de la galaxie hébergeant le quasar.

    La galaxie OJ 287 abrite l'un des plus grands trous noirs jamais trouvés, avec plus de 18 milliards de fois la masse de notre Soleil. En orbite autour de ce géant est un autre trou noir massif. Deux fois tous les 12 ans, le plus petit trou noir traverse l'énorme disque de gaz entourant son plus grand compagnon, créant un flash de lumière plus brillant qu'un milliard d'étoiles. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, Jet Propulsion Laboratory

    CE QU'IL FAUT RETENIR

    • Derrière le quasar OJ 287 se trouve un système binaire de deux trous noirs supermassifs qui constitue un laboratoire d'astrophysique relativiste.
    • Avec l'aide du satellite Spitzer, il vient de servir à faire passer un test à la théorie des trous noirs, plus précisément en relation avec le théorème de la calvitie.
    • En effet, les mouvements du plus petit des trous noirs à travers le disque d'accrétion du plus grand génèrent des flashs de lumière dont l'occurrence a été prédite à quelques heures près en accord avec l'hypothèse que la solution des équations d'Einstein, décrivant le champ de gravitation d'un trou noir en rotation, est rigoureusement décrite par la solution de Kerr.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    Une preuve de la théorie d'Einstein au cœur du quasar OJ 287

    Article de Laurent Sacco publié le 18/04/2008

    La relativité générale d'Einstein, et surtout sa prédiction de l'existence d'ondes gravitationnelles, a été brillamment testée avec les pulsars binaires. Elle vient de rencontrer un nouveau succès mais cette fois avec un système binaire de trou noir au cœur d'un quasar.

    La précession de l’orbite de Mercure était une énigme dans le cadre de la physique newtonienne. Il a fallu attendre la théorie de la relativité générale d'Einstein pour reproduire exactement le fait que l'orbite de cette planète autour du Soleil n'était pas une ellipse fermée mais que son périhélie se déplaçait lentement au cours des siècles. Une des prédictions les plus importantes de la théorie d'Einstein est que la nature dynamique de l'espace-temps lui permet d'être le siège d'un phénomène de propagation, similaire aux vagues à la surface de l'océan, et d'émission de la lumière par une charge accélérée. Ainsi, lorsque des masses sont accélérées, elles doivent, moyennant certaines conditions, rayonner de l'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles. 

    Or justement, au début des années 1970, Hulse et Taylor firent la découverte d'un pulsar binaire constitué d'une étoile à neutrons en orbite autour d'une étoile compagne. L'observation de ce système au cours du temps montra alors une diminution de la période orbitale, en plein accord avec la perte d'énergie sous forme d'ondes gravitationnelles impliquée par les équations de la relativité générale.

    Aujourd'hui, c'est une nouvelle preuve de la validité de la théorie d'Einstein qui vient d'être apportée par Mauri Valtonen, un astrophysicien de l'observatoire Tuorla en Finlande, grâce aux observations patientes de plus de 25 astronomes, dont certains sont amateurs, dans 10 pays. Remarquablement, elle combine les deux tests précédents mais de façon bien plus impressionnante car elle fait intervenir un système binaire monstrueux formé d'un trou noir de 18 milliards de masses solaires autour duquel en gravite un autre plus petit, pesant néanmoins 100 millions de masses solaires. Ce couple hors normes nous apparaît comme un quasar, connu sous le nom de OJ 287.

    Figure 1. En blanc, les deux pics de luminosité causés par la pénétration du petit trou noir dans le disque d'accrétion du second. Crédit : Tuorla Observatory

    Figure 1. En blanc, les deux pics de luminosité causés par la pénétration du petit trou noir dans le disque d'accrétion du second. Crédit : Tuorla Observatory 

    La relativité générale prévoit les sursauts du quasar au jour près

    OJ 287 est un noyau actif de galaxie connu depuis près d'un siècle, il a donc fait l'objet de nombreuses études et l'on sait que tous les 12 ans environ, sa luminosité augmente selon deux pics rapprochés. En 1988, Valtonen a suggéré que le phénomène était dû au passage du trou noir le plus léger à l'intérieur d'un disque d'accrétion de matière entourant le plus lourd. Cette situation est représentée sur la figure 1 où l'on voit bien l'orbite du plus petit trou noir pénétrant dans le disque rouge orange du second à intervalles répétés.

    Un tel système est remarquable car il fait intervenir des champs gravitationnels élevés et permet donc de tester les équations de la relativité générale dans un régime dit fort. En outre, étant donné les masses des objets impliqués, l'émission d'ondes gravitationnelles doit être particulièrement forte et la précession de l'orbite du trou noir assez élevée. Ces effets sur la périodicité des deux pics de luminosité, bien que difficile à calculer, devraient donc être particulièrement importants.

    Les chercheurs ont donc lancé une campagne d'observations sur plusieurs mois pour observer très précisément les variations de luminosité de OJ 287. L'enjeu était de taille. Avec une connaissance accrue de ce système et le recours aux équations de la relativité générale, combinant les effets de la théorie relativiste des disques d'accrétions autour des trous noirs et celle de l'émission d'ondes gravitationnelles, il devenait possible de prédire à quelques jours près la date des deux pics de lumière. D'après les astrophysiciens relativistes ce devait être autour du 13 septembre 2007.

    Toutefois, l'observation de OJ 287 est compliquée car, depuis la Terre, il n'est visible que pendant 30 minutes avant le lever du Soleil. Il a donc fallu mobiliser des astronomes partout sur la plan&eg

  • LE 7.05.2020: Actualité de l'astronomie / Découverte du trou noir le plus proche de la Terre connu.

    Découverte du trou noir le plus proche de la Terre connu

     

    Rémy Decourt

    Journaliste

     

     

    Des astronomes de l'ESO ont découvert un trou noir de petite taille à seulement 1.000 années-lumière de la Terre. Une découverte très inattendue et qui laisse présumer que la Voie lactée compte bien plus de trous noirs qu'on ne le pense. Les explications de Thomas Rivinius, scientifique de l'ESO et auteur principal de l'étude publiée ce jour au sein de la revue Astronomy & Astrophysics.

     

    Une équipe d'astronomes de l'Observatoire européen austral (ESO) et d'autres instituts a découvert l'existence d'un trou noir distant de 1.000 années-lumière seulement de la Terre de façon tout à fait fortuite ! Alors qu'elle observait le système baptisé HR 6819 dans le cadre d'une étude consacrée aux systèmes d’étoiles doubles, l'équipe de Thomas Rivinius s'est rendu compte de l'existence d'un troisième objet, parfaitement inconnu : un trou noir.

    À seulement 1.000 années-lumière de nous, ce trou noir est le plus proche du Système solaire jamais détecté ! Grâce au télescope MPG/ESO de 2,2 mètres installé à l'Observatoire de La Silla de l'ESO au Chili, l'équipe a pu suivre les mouvements de ses deux étoiles compagnons et déduire l'existence de cet objet invisible. Aux dires des astronomes, ce système pourrait bien n'être que la partie émergée de l'iceberg. C'est-à-dire que de nombreux trous noirs similaires pourraient être découverts dans un avenir proche.

    Sur cette vue à grand champ figure la région du ciel, dans la constellation du Télescope, qu’occupe HR 6819, un système triple composé de deux étoiles et du trou noir le plus proche de la Terre détecté à ce jour. Cette vue résulte d’une combinaison d’images issues du Digitized Sky Survey 2. Le trou noir ne peut être aperçu, à la différence des deux étoiles qui composent HR 6819, visibles depuis l’hémisphère Sud par temps clair et par nuit noire, sans jumelles ni télescope. © ESO, Digitized Sky Survey 2, Davide De Martin

    Sur cette vue à grand champ figure la région du ciel, dans la constellation du Télescope, qu’occupe HR 6819, un système triple composé de deux étoiles et du trou noir le plus proche de la Terre détecté à ce jour. Cette vue résulte d’une combinaison d’images issues du Digitized Sky Survey 2. Le trou noir ne peut être aperçu, à la différence des deux étoiles qui composent HR 6819, visibles depuis l’hémisphère Sud par temps clair et par nuit noire, sans jumelles ni télescope. © ESO, Digitized Sky Survey 2, Davide De Martin 

     

    Le premier système triple composé d’un trou noir visible à l’œil nu

    Comme le souligne Petr Hadrava, scientifique émérite de l'Académie des Sciences de la République tchèque à Prague et coauteur de l'étude, « nous avons été très surpris de constater qu'il s'agissait du tout premier système stellaire composé d'un trou noir visible à l'œil nu ». En effet, ce système triple est si proche de nous que les étoiles qui le composent peuvent être observées à l'œil nu par temps clair et par nuit noire depuis l'hémisphère Sud. Par définition, le trou noir étant évidemment invisible !

    Pour déterminer l'existence de ce trou noir, les scientifiques se sont appuyés sur les observations du spectrographe du télescope MPG/ESO qui ont montré que l'une des deux étoiles visibles à l'œil nu orbitait, sur une période de 40 jours, autour d'un imperceptible objet, tandis que la seconde étoile se trouvait à plus grande distance de cette paire intérieure. L'équipe a pu détecter sa présence et déterminer sa masse en étudiant l'orbite de l'étoile composant la paire intérieure. « Un objet invisible doté d'une masse équivalant à 4 masses solaires ne peut être qu'un trou noir », conclut Thomas Rivinius. Il s'agit de l'un des tout premiers trous noirs de masse stellaire découvert à ce jour qui n'interagit pas violemment avec son environnement et qui, par voie de conséquence, nous apparaît véritablement noir.

    Cette découverte renforce l'idée que la Voie lactée abriterait bien plus que les quelques dizaines de trous noirs déjà détectés. Toutefois, les scientifiques estiment que, depuis la naissance de la Voie lactée, un nombre beaucoup plus élevé d'étoiles se sont effondrées en trous noirs à la fin de leur existence. La découverte d'un trou noir silencieux et invisible au sein du système HR 6819 offre des clés de détection spatiale de nombreux trous noirs dissimulés au sein de la Voie lactée. « Des centaines de millions de trous noirs doivent s'y trouver, mais nous n'en connaissons que très peu. Savoir ce qu'il faut chercher devrait nous permettre de mieux les détecter », ajoute Thomas Rivinius.

    Zoom sur le système triple HR 6819. En fin de vidéo, une animation montrant ce système triple composé du trou noir où figurent les orbites et les mouvements des objets composant ce système triple. HR 6819 est constitué d’une binaire interne dotée d’une étoile (trajectoire de couleur bleue) et d’un trou noir (trajectoire de couleur rouge). À mesure que nous nous éloignons de cette paire intérieure, nous apercevons l’objet le plus externe du système, une autre étoile décrivant une orbite plus étendue (également de couleur bleue). © ESO, YouTube

    La parole à Thomas Rivinius, scientifique de l'ESO et auteur principal de l’étude publiée ce jour au sein de la revue Astronomy & Astrophysics.

     

    Futura : Cette découverte vous a surpris, elle était très inattendue ?

    Thomas Rivinius : En effet.Nous cherchions quelque chose de tout à fait différent, n'attendant qu'un système stellaire binaire normal. Nous espérions que des observations détaillées nous aideraient à comprendre pourquoi les deux étoiles normales à l'intérieur sont si différentes : l'une (l'étoile extérieure Be) tourne si rapidement qu'elle s'envole presque (elle éjecte de la matière d'elle-même, principalement en raison de cette rotation rapide), et l'autre tourne très lentement.

    Puis, nous avons compris qu'il y avait en fait trois objets ! Je tiens à préciser qu'initialement, cette étude avait été menée par un collègue, Stan Štefl (décédé tragiquement dans un accident de voiture en 2014, c'est pourquoi l'étude a calé un peu à l'époque). Nous l'avons maintenant reprise à notre compte aussi parce que nous avons découvert récemment un système que nous pensons être un système triple similaire avec un trou noir nommé LB-1. De plus amples observations sont nécessaires pour confirmer notre intuition.

     

    Un trou noir dans un système triple, c'est plutôt surprenant ?

    Thomas Rivinius : Oui.Une curiosité même ! La plupart des modèles de l'évolution de ces étoiles et de l'explosion de la supernova elle-même prédiraient qu'un tel système serait perturbé et les objets individuels se sépareraient. Le fait que HR 6819 existe toujours en tant que système triple indique que cela ne se produit pas toujours.

    Devons-nous nous inquiéter de la découverte d'un trou noir aussi proche de la Terre ?

    Thomas Rivinius : Pour la Terre, pas vraiment. En tant que trou noir de masse stellaire, il ne fait que quelque dix kilomètres de diamètre. Donc, à ce stade, il ne représente même pas un danger pour son voisin immédiat, que nous appelons « l'étoile intérieure B » dans notre étude. Et les deux sont plus proches l'un de l'autre que le Soleil et la Terre. Cependant, à mesure que cette étoile intérieure évolue avec le temps, elle grandira, puis le trou noir commencera à en avaler au moins une partie. Mais c'est encore dans des millions d'années à venir, peut-être même des dizaines de millions d'années !

    Une autre question est de savoir si la supernova d'origine, qui a probablement formé ce trou noir, était dangereuse pour la Terre. Mais ce n'était probablement pas le cas, quand elle a explosé, il y a peut-être 15 à 70 millions d'années. Elle était également à plusieurs centaines de parsecs, pas beaucoup plus près que maintenant (310 pc). C'est considéré comme une distance de sécurité pour une supernova.

    Sur cette vue d’artiste figurent les orbites des objets composant le système triple HR 6819. Ce système est constitué d’une binaire interne dotée d’une étoile (trajectoire de couleur bleue) et d’un trou noir récemment découvert (trajectoire de couleur rouge), ainsi que d’une troisième étoile décrivant une orbite plus étendue (également de couleur bleue). © ESO, L. Calçada

    Sur cette vue d’artiste figurent les orbites des objets composant le système triple HR 6819. Ce système est constitué d’une binaire interne dotée d’une étoile (trajectoire de couleur bleue) et d’un trou noir récemment découvert (trajectoire de couleur rouge), ainsi que d’une troisième étoile décrivant une orbite plus étendue (également de couleur bleue). © ESO, L. Calçada 

     

    Qu'apporte la découverte de ce trou noir ?

    Thomas Rivinius : Le point le plus intéressant est que ce n'est probablement pas très spécial ! Il est assez proche, et à moins que nous ne considérions notre environnement local comme une exception, il doit y en avoir beaucoup d'autres. Nous n'en connaissons que quelques dizaines réparties un peu partout dans toute notre Galaxie, principalement parce qu'ils accumulent beaucoup de matière de leur environnement, ce qui les fait briller dans le rayonnement X. Nous estimons, cependant, qu'il doit y avoir des centaines de millions à un milliard de trous noirs supplémentaires dans la Voie lactée, qui ressemblent davantage à celui découvert dans ce système triple : calmes, car ils n'ont rien à accumuler et donc très difficiles à détecter.

     

    Le fait que le système soit si brillant et si proche l'ouvre à des investigations beaucoup plus détaillées que les systèmes plus éloignés ?

    Thomas Rivinius : Être si proche et brillant signifie que nous pourrons peut-être résoudre le système en ses composants individuels. Seule l'interférométrie a cette capacité qui consiste à combiner un certain nombre de télescopes de façon à obtenir une vue aussi nette que si vous aviez un télescope géant de la même taille que les télescopes individuels séparés. Dès que nos observatoires à Paranal recommenceront à fonctionner et que mon équipe pourra utiliser le VLTI (Very Large Télescope Interferometer), nous essaierons cela. Je suis vraiment impatient de le faire.

    Une deuxième possibilité est d'observer HR 6819 dans le X. Bien que ses émissions dans le X montrent que l'activité de ce trou noir est très calme, cela ne signifie pas que rien ne se passe ! Le trou noir accumule probablement quelque chose de l'environnement local, mais comme il est de faible densité, ses capacités à avaler de la matière sont forcément limitées. Toutes les autres observations que nous avons proviennent de trous noirs ayant des taux d'accrétion beaucoup plus élevés. Il reste à démontrer que tout fonctionne de la même manière, même à des taux d'accrétion très faibles, comme avec ce trou noir.

    Source: https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/trou-noir-decouverte-trou-noir-plus-proche-terre-connu-80887/#utm_content=futura&utm_medium=social&utm_source=facebook.com&utm_campaign=futura

  • LE 2.05.2020: Actualité de l'astronomie / Le système LB-1 ne comprendrait finalement aucun trou noir.

    Le système LB-1 ne comprendrait finalement aucun trou noir

     

     

    Adrien Coffinet

    Journaliste scientifique

     

    Initialement suspecté de comprendre un trou noir stellaire étonnamment massif, le système binaire LB-1 continue de révéler ses secrets. Plusieurs études avaient déjà revu à la baisse la masse de ce compagnon invisible et remis en question sa nature même de trou noir. Une nouvelle étude confirme maintenant qu'il ne s'agirait effectivement pas d'un trou noir. LB-1 serait en fait constitué de deux étoiles non dégénérées formant un système binaire inhabituel.

     

    LB-1, aussi connu comme LS V+22 25, constituait jusqu'à présent un système binaire spectroscopique à raies simples : sur les deux corps constituant le système, un seul était visible, la présence du second étant déduite des variations de vitesse radiale du premier. Le corps visible semble être une étoile dépouillée de ses couches supérieures, riche en hélium, d'environ une fois et demi la masse du Soleil, contrairement à ce qu'annonçaient les premières estimations qui en faisaient une étoile B (bleu-blanc) d'environ 8 masses solaires. La nature de la deuxième composante demeurait, par contre, incertaine jusqu'à présent.

    Épisodes précédents : d'un trou noir massif à un objet indéterminé

    Les premières mesures semblaient indiquer que le compagnon invisible serait un trou noir stellaire particulièrement massif, environ 68 fois plus que le Soleil, ce qui constituerait un défi pour les modèles de formation de ces objets (lire l'article ci-dessous). Cependant, cette masse étonnamment importante fut rapidement remise en cause par plusieurs études, la réduisant à entre 2 et 20 masses solaires selon les études en question. Cette réévaluation laissait alors même ouverte la possibilité que le supposé trou noir soit en réalité une étoile à neutrons ou même une étoile de la séquence principale (lire l'article ci-dessous).

    Nouvel épisode : deux étoiles non dégénérées et zéro trou noir

    Tomer Shenar et ses collègues, de l'Institut d'astronomie de la KU Leuven, en Belgique, ont obtenu 26 nouvelles observations spectroscopiques, couvrant l'orbite du système, avec les spectrographes Hermes (High-Efficiency and high-Resolution Mercator Echelle Spectrograph) et Feros. En « démêlant » les spectres de LB-1, les chercheurs ont pu séparer les deux composantes du système. On a donc affaire à un système binaire spectroscopique à raies doubles. Ils ont alors pu déterminer que LB-1 contient deux étoiles non dégénérées.

    L'objet secondaire (le compagnon jusqu'alors « caché ») est une étoile bleu-blanc de la séquence principale, à rotation rapide et avec un disque de décrétion, ce qui en fait une étoile Be, de type spectral complet B3Ve.

    Les auteurs confirment par ailleurs que les propriétés de l'objet primaire (la seule étoile qui était visible jusqu'alors) correspondent à celles prédites pour les étoiles dépouillées : riche en hélium et en azote et présentant une émission importante de la raie de Balmer (raie spectrale de l'hydrogène), probablement due à son vent.

    En estimant la masse de l'étoile secondaire à 7 ± 2 masses solaires, les chercheurs ont pu évaluer la masse de l'étoile primaire dépouillée à 1,5 ± 0,4 masse solaire. L'inclinaison orbitale, mesurée comme valant 39 ± 4 degrés, implique une rotation quasi critique pour l'étoile secondaire (vitesse de rotation de 470 kilomètres par seconde à l'équateur).

    CE QU'IL FAUT RETENIR

    • Les quelques trous noirs détectés dans la Voie lactée, à l'exception du trou noir supermassif central, sont supposés se former par l'effondrement d'une étoile lors de son explosion en supernova SN II.
    • Les masses observées et prédites théoriquement avec les scénarios standards de l'évolution stellaire étaient compatibles et comprises entre 5 et 15 masses solaires.
    • Cependant, un trou noir détecté dans un système binaire avec une étoile bleue posséderait environ 70 masses solaires, ce qui est pour le moment incompréhensible et nécessite de revoir nos idées sur la formation des trous noirs stellaires.
    • Mais, en réalité, ce trou n'existe peut-être pas, car l'estimation de la masse de l'astre appelé LB-1 résulterait d'une erreur de l'estimation sur la masse de l'étoile LS V+22 25.
    • Les dernières observations semblent indiquer que LB-1 ne contient aucun objet compact, mais est un système binaire rare constitué d'une étoile donneuse dépouillée et d'une étoile Be accrétante tournant à une vitesse proche de sa vitesse critique.

    POUR EN SAVOIR PLUS

    Le trou noir de 68 masses solaires qui défie l'astrophysique existe-t-il vraiment ?

    Article de Laurent Sacco publié le 16/01/2020

    Les trous noirs stellaires connus jusqu'ici dans la Voie lactée ne dépassaient pas la quinzaine de masses solaires, en accord avec les théories expliquant leur formation par effondrement gravitationnel d'une étoile lorsqu'elle devient une supernova. Les astrophysiciens ont donc été stupéfaits l'année dernière par la découverte d'un trou noir qui ne devrait pas exister car contenant environ 68 masses solaires. Mais cette estimation est remise en question aujourd'hui.

    L'année dernière, l'annonce de l'estimation de la masse du trou noir LB-1 a surpris les astrophysiciens. Il fait partie d'un système binaire dont l'autre composante est une géante bleue de 8 masses solaires, une étoile de type B (plus précisément une étoile Be) cataloguée sous la dénomination de LS V+22 25 et qui se trouve à environ 15.000 années-lumière du Système solaire.

    Cette masse, mais surtout la présence d'un autre astre associé à l'étoile bien visible, était déduite des mouvements de cette étoile provoquant une alternance de décalage vers le bleu puis vers le rouge par effet Doppler du spectre de l'étoile, décalage d'autant plus prononcé que ces mouvements sont rapides. C'est donc la même méthode, dite des vitesses radiales, que l'on utilise pour découvrir des exoplanètes et estimer leurs masses. Là aussi, plus l'exoplanète est massive pour une même distance à une étoile hôte d'une même masse donnée, plus elle va provoquer un mouvement de va-et-vient de son étoile du fait de l'attraction gravitationnelle mutuelle de ces astres (les planètes du Système solaire font aussi osciller le Soleil, ce qui permettrait à des E.T. de découvrir leur existence).

    Dans le cas de LS V+22 25, la théorie de la structure stellaire nous permet d'estimer sa masse en tant qu'étoile de type B, en partie parce que cette masse est liée à sa température. On peut donc ensuite en tirer la masse de l'astre LB-1 qui, lui, ne semble pas rayonner, ce qui d'ailleurs conduit à adopter l'hypothèse qu'il est un trou noir. La masse obtenue était d'environ 68 masses solaires, aux incertitudes près des mesures. Or, une telle masse est bien trop élevée dans le cadre de ce que l'on sait en astrophysique.

    L'Univers selon Stephen Hawking, par Jean-Pierre Luminet, des trous noirs à la cosmologie. Conférence donnée le 9 octobre 2019 au Conservatoire national des Arts et Métiers pour la Société astronomique de France. © Jean-Pierre Luminet

    LS V+22 25, une fausse étoile de type B ?

    LB-1 est un trou noir stellaire, ce qui veut dire que c'est le résidu d'une étoile qui a explosé en supernova en s'effondrant gravitationnellement. Les étoiles ont une masse qui ne peut guère dépasser les 100 masses solaires et la quantité de matière éjectée par le souffle de l'explosion d'une supernova est ordinairement très importante, de sorte que la masse de l'astre compact qui peut être laissé par cette explosion est difficilement et probablement très peu élevée. D'ailleurs, les masses des trous noirs stellaires précédemment découverts dans la Voie lactée sont toutes entre 5 et 15 masses solaires, comme Futura l'expliquait dans le précédent article au sujet de la découverte de LB-1 (voir ci-dessous).

    Qu'en déduire ? Que l'on s'est probablement trompé quelque part dans l'estimation de la masse de LB-1 comme le soutient, dans un article en accès libre sur arXiv mais publié dans Astronomy and Astrophysics, une équipe d'astrophysiciens des universités de Erlangen-Nürnberg et Potsdam en Allemagne.

    Les chercheurs ont fait des analyses plus poussées des abondances des éléments chimiques dans l'atmosphère de l'étoile LS V+22 25 et ils ont découvert des anomalies en ce qui concerne les quantités présentes d'oxygène, d'azote, de carbone et surtout d'hélium. Ces anomalies suggèrent que cette étoile n'est en fait pas de type B sur la fameuse séquence principale.  

    Par contre, les mesures s'accordent bien avec un scénario dans lequel les couches supérieures constituées d'hydrogène de l'étoile auraient été arrachées par les forces de marée de l'astre, formant l'autre partie de l'étoile binaire, pour faire apparaître des couches constituées d'hélium produites par l'évolution de la nucléosynthèse stellaire. Sous cette hypothèse, la masse de LS V+22 25 est nettement plus faible, environ 1,1 masse solaire, ce qui veut dire que pour rendre compte de l'amplitude de ses mouvements oscillants, la masse de LB-1 doit être plus basse elle aussi.

    Quelle estimation obtient-on alors ? De 2 à 3 masses solaires, ce qui est tout à fait acceptable et laisse même penser, compte tenu là aussi des incertitudes, que LB-1 pourrait même être... une étoile à neutrons !


    Un trou noir de 68 masses solaires défie l'astrophysique

    Article de Laurent Sacco publié le 30/11/2019

    Les trous noirs stellaires connus jusqu'ici dans la Voie lactée ne dépassaient pas la quinzaine de masses solaires, en accord avec les théories expliquant leur formation par effondrement gravitationnel d'une étoile lorsqu'elle devient une supernova. Les astrophysiciens sont donc stupéfaits par la découverte d'un trou noir qui ne devrait pas exister puisqu'il contient environ 70 masses solaires.

    Il y a 60 ans, la majorité des astrophysiciens et des physiciens relativistes ne prenaient pas au sérieux l'existence des étoiles effondrées gravitationnellement, issues des calculs de Robert Oppenheimer et ses collaborateurs à la fin des années 1930. Même John Wheeler, qui pourtant allait introduire à leur sujet le terme de « trou noir » et mener dans la décennie qui allait suivre les recherches sur ces astres compacts aux États-Unis, avait initialement des doutes. Mais tout comme son collègue russe Yakov Zeldovitch, des simulations sur ordinateurs conduites de part et d'autre de l'Atlantique allaient les faire changer d'avis.

    Aujourd'hui, on a de bonnes raisons de penser qu'il existe au moins 100 millions de trous noirs stellaires dans la Voie lactée, donc issus de l'effondrement gravitationnel d'étoiles de plus de 8 masses solaires en fin de vie. En tout cas, c'est ce que nous dit la théorie de l'évolution stellaire et le fait qu'avec les progrès de l'astronomie X, depuis environ 50 ans, on a bel et bien détecté dans notre Galaxie des candidats au titre de trou noir stellaire. Il s'agit à chaque fois de la détection des émissions dans le domaine des rayons X d'un disque d'accrétion chaud entourant un astre compact dans un système binaire et alimenté en gaz par une étoile. Le premier trou noir de ce genre à être détecté est célèbre sous le nom de Cygnus X1.

    On peut estimer la masse des trous noirs stellaires dans la Voie lactée, elle est ordinairement d'une dizaine de masses solaires (entre 5 et 15 pour être un peu plus précis), ce qui coïncide avec les estimations provenant des calculs décrivant la formation de ces trous noirs à partir d'une supernova. On comprend donc la surprise des astronomes qui viennent de publier un article dans le journal Nature faisant état de la découverte dans notre Galaxie d'un trou noir stellaire d'une masse estimée aux incertitudes près (+11/-13) à 68 masses solaires.

    La physique des trous noirs, par Jean-Pierre Luminet. Conférence donnée au Collège de France en novembre 2015. © Jean-Pierre Luminet

    Un trou noir détecté avec la méthode des vitesses radiales

    LB-1, c'est son nom, fait partie d'un système binaire dont l'autre composante est une géante bleue de 8 masses solaires et qui se trouve à environ 15.000 années-lumière du Système solaire comme l'expliquent, dans un article sur arXiv, les membres de l'équipe internationale qui a fait sa découverte. C'est le fruit d'une campagne d'observations effectuant des mesures spectroscopiques dans le but de faire l'équivalent des détections d'exoplanètes par la méthode des vitesses radiales.

    Ces observations ont été obtenues initialement avec le Large Sky Area Multi-Object Fibre Spectroscopic Telescope (c'est-à-dire Télescope spectroscopique multi-objets à fibres optiques grand champ) ou télescope Guo Shoujing, en abrégé Lamost, un télescope optique chinois de quatre mètres de diamètre. Deux autres grands télescopes sont ensuite entrés dans la danse pour préciser les données obtenues par les astronomes chinois, à savoir le Gran Telescopio Canarias del Roque de los Muchachos Observatory (La Palma), le fameux Grantecan, et aussi ceux avec des miroirs de 10 mètres de diamètre de l'observatoire W. M. Keck sur le mont Mauna Kea de l'île d'Hawaï.

    La période orbitale de LB-1 est d'environ 79 jours et bien que l'on ne voit pas directement dans le visible le trou noir, il signale tout de même sa présence par les oscillations de son étoile compagne, ce qui provoque des décalages spectraux par effet Doppler, comme dans le cas d'une exoplanète, par exemple une Jupiter chaude, autour de son étoile hôte. En fait, cette méthode de détection d'un trou noir (avec les mouvements d'une étoile, pas par effet Doppler) conçu comme un astre invisible avait déjà été envisagée il y a plus d

  • LE 6.03.2020: Actualité de l'astronomie / Un trou noir détecté par hasard par la sonde Osiris-Rex

    Un trou noir détecté par hasard par la sonde Osiris-Rex

     

    Journaliste

     

    Hier, Osiris-Rex croisait à seulement 250 mètres au-dessus de l'astéroïde Bennu. Mais si la mission de la Nasa fait la une aujourd'hui, c'est parce qu'elle a, de manière totalement inattendue, observé un trou noir situé à 30.000 années-lumière de notre Système solaire.

    Osiris-Rex, c'est une mission de la Nasa dédiée à l'étude de l'astéroïde Bennu, ou Bénou. Mais c'est bien son spectromètre Rexis, un instrument conçu par des étudiants et qui analyse comment la surface de l'objet céleste réfléchit les rayons X, qui vient d'observer un trou noir. Celui-ci avait été découvert une semaine plus tôt par une équipe japonaise depuis la Station spatiale internationale (ISS), à quelque 30.000 années-lumière de notre Système solaire. Son petit nom : MAXI J0637-430.

    Le 11 novembre 2019, les observations ont en effet montré des émissions de rayons X dans une région située aux abords de l'astéroïde. Des émissions attribuées à MAXI J0637-430 et observées pour la toute première fois depuis l'espace interplanétaire par un engin situé à des millions de kilomètres de notre Terre.

    Cette animation montre, l’émission de rayons X par le trou noir MAXI J0637-430 alors qu’il se déplace dans la ligne de visée de Rexis, l’instrument embarqué à bord de la mission Osiris-Rex. © Université de l’Arizona, MIT, Harvard, Goddard, Nasa

    Cette animation montre, l’émission de rayons X par le trou noir MAXI J0637-430 alors qu’il se déplace dans la ligne de visée de Rexis, l’instrument embarqué à bord de la mission Osiris-Rex. © Université de l’Arizona, MIT, Harvard, Goddard, Nasa 

    Rester ouvert à l’inattendu

    Notons que notre atmosphère nous protège de ce type d'émissions de rayons X. Celles-ci ne peuvent donc être détectées que depuis l'espace. Elles se produisent lorsqu'un trou noir aspire la matière d'une étoile. C'est l'enroulement de cette matière autour du trou noir qui libère une quantité colossale d'énergie, sous la forme, notamment, de rayons X.

    « Notre objectif était de former nos étudiants au développement et à l'exploitation d'instruments spatiaux, raconte Richard Binzel, professeur au MIT (Massachusetts Institute of Technology) dans un communiqué de la Nasa. Il s'avère que la grande leçon que nous avons tous apprise ici, c'est qu'il faut toujours rester ouvert à une découverte, aussi inattendue soit-elle ».

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    Première image d’un trou noir supermassif : zoom sur l'environnement de M87*  Cette animation d’artiste représente un plongeon en direction d’un trou noir supermassif caché dans une bulle de gaz chaud. Il est entouré d’un disque d’accrétion où la matière est tellement chauffée qu’elle devient un plasma très lumineux à l’origine de jets de matière en relation avec la rotation d’un trou noir de Kerr. En l’occurrence ici il s’agit de M87*, le trou noir supermassif qui a livré la première image d’un tel objet en avril 2019 grâce aux membres de la collaboration Event Horizon Telescope (EHT).

    Source: https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/trou-noir-trou-noir-detecte-hasard-sonde-osiris-rex-79870/#utm_content=futura&utm_medium=social&utm_source=facebook.com&utm_campaign=futura