MÉCANIQUE QUANTIQUE
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LE 28.01.2020: Actualité de la météo,de l'astronomie et de la science/Des traces des trous noirs quantiques de Hawking.
- Par dimitri1977
- Le 28/01/2020
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Des traces des trous noirs quantiques de Hawking dans les ondes gravitationnelles ?
Laurent Sacco
Journaliste
Selon deux physiciens, un traitement quantique de l'horizon des trous noirs, pouvant aider à comprendre les énigmes posées par les trous noirs quantiques de Hawking, pourrait conduire à une signature du comportement quantique de l'horizon des événements dans les ondes gravitationnelles. Ligo et Virgo pourraient avoir déjà détecté des indices de cette signature avec la source d'onde GW170817.
Interview : comment mesurer les ondes gravitationnelles ? Les ondes gravitationnelles sont des déformations de l’espace-temps prédites par Einstein. Il serait possible de les mesurer avec des outils appropriés. L’éditeur littéraire Dunod a interviewé Pierre Binétruy, professeur au laboratoire Astroparticule et Cosmologie de l'université Paris Diderot, afin d’en savoir plus sur ces mystérieuses ondes et sur la façon dont on pourrait les détecter.
On ne le répétera sans doute jamais assez mais un trou noir ne se définit ni par sa densité ni par le fait qu'il posséderait une singularité de l'espace-temps en son cœur. Les trous noirs supermassifs possèdent des densités qui peuvent être celle de l'eau ou de l'air, et une théorie quantique de la gravitation supprime très probablement l'effondrement de la matière, de la lumière et finalement, de l'espace-temps lui-même au point de devenir une singularité, tout comme les lois quantiques stoppent l'effondrement des électrons sur les noyaux des atomes malgré l'attraction électrostatique entre ces particules.
Ce qui définit un trou noir de façon rigoureuse -- depuis notamment les travaux de Roger Penrose, Stephen Hawking, John Wheeler et d'autres chercheurs des années 1960 --, c'est l'existence d'un horizon des événements clos entourant une région de l'espace. Il existe une formulation très précise de la nature de cet horizon mais, grossièrement, on peut dire que, dans le cadre d'une théorie classique de la gravitation avec un espace-temps courbe (il n'est pas nécessaire de supposer que les équations d'Einstein soient les bonnes équations pour décrire la dynamique de cet espace-temps complètement), un trou noir est une sorte de bulle formée d'une membrane fictive, effective, qui ne laisse passer matière et lumière que dans un seul sens. Une fois dans la bulle, elles ne peuvent plus en sortir car le champ de gravitation nécessiterait qu'un objet physique, particule ou onde, puisse se propager parfois plus vite que la lumière.
On sait que Stephen Hawking, en se basant notamment sur les travaux de Jacob Bekenstein, Yakov Zel'dovich et Alexei Starobinski, a été conduit à découvrir que la mécanique quantique impliquait que les trous noirs, en rotation ou pas, devaient tout de même s'évaporer en perdant leurs masses et leurs moments cinétiques s'ils en avaient. Un trou noir doit, en effet, émettre un rayonnement chaud du type de celui d'un corps noir avec une température inversement proportionnelle à sa masse. En clair, plus un trou noir devient petit, plus il devient chaud et plus il s'évapore vite.
Dans cette vidéo, Jean-Pierre Luminet nous parle de l'évaporation des trous noirs via le rayonnement de Hawking. Cette évaporation pose une énigme connue sous le nom de paradoxe de l'information avec la physique des trous noirs. © Du Big Bang au vivant
L'horizon des événements pose un problème avec l'information quantique
La découverte du rayonnement Hawking a ensuite conduit à l’énigme du paradoxe de l’information, là aussi une découverte du défunt Stephen Hawking. Si la mécanique quantique force un trou noir à rayonner, son évaporation et l'existence d'un horizon des événements devraient conduire à la destruction de l'information qui était portée par les objets tombants dans un trou noir. Tout le contenu en information d'un livre comme l'Hypérion de Friedrich Hölderlin devrait disparaître à tout jamais dans un trou noir et seule sa masse ne pourra en sortir et que sous la forme de l'énergie et des particules du rayonnement Hawking.
Malheureusement, cette destruction d'information est interdite par la mécanique quantique. Il y a une erreur mais où ?
Or, au début des années 2010, en poursuivant leur étude de cette énigme, les théoriciens sont tombés sur des contradictions encore plus graves qui ont conduit certains d'entre eux à remettre en question la notion classique de l'horizon d'un trou noir en invoquant, par exemple, l'existence d'un « pare-feu » (firewall en anglais). Une intense controverse s'ensuivit conduisant Stephen Hawking à faire sans doute un peu malicieusement son buzz habituel en suggérant effectivement que les trous noirs, au sens habituel, n'existaient pas et que l'horizon des événements n'était qu'une approximation commode pour comprendre certains phénomènes mais n'existait pas vraiment.
Futura avait consacré un précédent article à cette polémique que le lecteur peut trouver ci-dessous pour en apprendre beaucoup plus.
Toujours est-il que l'idée que l'horizon des événements classique ne soit pas vraiment là -- à cause d'effets quantiques par exemple si l'on introduit la théorie des supercordes pour décrire les trous noirs comme des sortes de « pelotes de cordes » baptisées des « fuzzballs » en anglais, une théorie que l'on doit au physicien théoricien Samir Mathur de l'université d'État de l'Ohio --, est toujours bien présente à l'esprit des chercheurs. Il existe même des alternatives plus radicales comme la théorie des gravastars qui suppose qu'un tout autre objet apparaît lors de l'effondrement des étoiles, un objet avec une sorte de coque solide presque à la place de cet horizon. Mais comment le démontrer ou au contraire le réfuter ?
Un diagramme d'espace-temps permettant de comprendre le phénomène d'écho gravitationnel. Un trou noir se forme après effondrement (collapse) de l'astre produit par la fusion de deux étoiles à neutrons. Le trou noir produit vibre selon des modes quasinormaux et émet alors des ondes gravitationnelles qui s'amortissent comme le ferait le son d'un cloche heurtée. Des effets quantiques transforment l'horizon des événements en une sorte de membrane qui va réfléchir les ondes gravitationnelles ; ces dernières ont été elles-mêmes réfléchies par l'existence d'une sorte de barrière (angular momentum barriere) dans la structure de l'espace-temps d'un trou noir pour les ondes se propageant dans cet espace-temps. Les ondes réfléchies rebondissent sur les deux barrières semi-transparentes en perdant de l'énergie sous forme d'ondes qui traversent quand même la barrière la plus externe, ce qui donne lieu à une série d'échos. © Jahed Abedi, Niayesh Afshordi
L'essor de l'astronomie gravitationnelle est peut-être en train de changer la donne avec la possible détection des modes quasinormaux des trous noirs, comme l'expliquait Olivier Minazolli à Futura, et même les images de trous noirs qui peuvent être fournies via l'Event Horizon Telescope comme l'expliquait également à Futura Aurélien Barrau. Le regretté Pierre Binetruy parlait déjà il y a quelques années, comme le montre la fin de la vidéo ci-dessus, de pouvoir tester des théories quantiques des trous noirs avec les ondes gravitationnelles.
Des ondes gravitationnelles qui rebondissent entre deux barrières
C'est donc avec un certain intérêt que l'on prend connaissance de l'article d'une équipe de chercheurs composée de Jahed Abedi, chercheur postdoctoral au Max Planck Institute for Gravitational Physics (Albert Einstein Institute en Allemagne), et de Niayesh Afshordi (de l'université de Waterloo et de l'Institut Périmètre de physique théorique au Canada). Disponible en accès libre sur arXiv, il a été publié dans le Journal of Cosmology and Astroparticle Physics et a même été récompensé par un prix, le Buchalter Cosmology Prize.
L'idée est la suivante : On part de l'hypothèse que l'horizon des événements d'un trou noir est modifié par des effets quantiques ou une nouvelle physique. Mais dans les deux cas, ils font tout de même en sorte que l'extérieur du nouvel objet se comporte toujours à bien des égards comme un trou noir en rotation ordinaire. On peut donc toujours montrer que des ondes, notamment gravitationnelles mais aussi celles émises par l'évaporation quantique d'un trou noir, vont rencontrer une sorte de mur, une barrière, produite par la structure de l'espace-temps mais un peu au-delà de la région où se trouverait un horizon quantique ou ce qui remplace l'horizon des événements standard (pour les initiés voir l'équation de Klein-Gordon tout en bas de l'article).
Si l'on prend l'analogie avec un son, alors une partie des ondes émises par le trou noir ou ce qui en tient lieu, va traverser le mur et une autre va être réfléchie. L'énergie des ondes initiales étant répartie entre ces deux parties. Mais si le lieu de l'horizon des événements se comporte en fait aussi comme un mur partiellement réfléchissant, en raison précisément d'effets quantiques ou d'une nouvelle physique, alors les ondes vont rebondir entre les deux murs et un signal périodique -- bien que de plus en plus faible à cause du partage de l'énergie en ondes transmises et réfléchies -- va se présenter comme une sorte d'écho si l'on prend le cas des ondes gravitationnelles.
On peut en effet appliquer ce scénario au cas de la source d'ondes baptisée GW170817, issue de la fusion de deux étoiles à neutrons, et qui a été détectée le 17 août 2017 par Ligo et Virgo. Le trou noir qui a dû se former lors de la fusion de ces deux astres compacts a dû produire des ondes pendant un certain temps, comme le ferait une cloche dont les vibrations s'amortissent après un choc.
Dans leur article primé, Jahed Abedi et Niayesh Afshordi annoncent (bien que la preuve convaincante ne soit pas encore là) que, selon leurs analyses encore embryonnaires, on commencerait à voir des indices de la présence de ces échos gravitationnels dans le signal détecté pour GW170817.
La prudence s'impose mais les conclusions qu'en tire Niayesh Afshordi semblent raisonnables : « Nos résultats sont encore provisoires ; il y a encore une petite chance que ce que nous voyons soit dû à un bruit aléatoire dans les détecteurs, mais cela deviendra de moins en moins probable au fur et à mesure si nous trouvons plus de cas de ce genre. Maintenant que les scientifiques savent ce que nous recherchons, nous pouvons guetter d'autres exemples et obtenir une confirmation beaucoup plus solide de ces signaux. Une telle confirmation serait la première sonde directe de la structure quantique de l'espace-temps ».
Pour les initiés, le phénomène d'écho gravitationnel peut se deviner avec l'équation décrivant la propagation d'un champ scalaire Φ dans l'espace-temps d'un trou noir sans rotation. On voit ici la partie radiale du champ et l'on remarque, dans le système de coordonnées choisies, que les deux premiers termes de l'équation sont ceux d'une équation d'onde classique mais qu'il apparaît une série de termes avec une masse μ pour une particule associée au champ, et surtout une partie qui se comporte comme une « barrière centrifuge ». On est donc dans un cas où cette barrière transmet et réfléchit une partie de l'onde qui se propage. © Kinwah Wu (MSSL, University College London) Steven Von Fuerst (KIPAC, Stanford University)
POUR EN SAVOIR PLUS
Trous noirs : Stephen Hawking remet-il en cause leur existence ?
Article de Laurent Sacco publié le 30/01/2014
Stephen Hawking avait déjà fait sensation il y a 40 ans en annonçant que les trous noirs ne piégeaient pas de l'énergie pour toujours et qu'ils pouvaient s'évaporer. Il s'agissait d'une conséquence des lois de la mécanique quantique. Il jette à nouveau le trouble en suggérant que les trous noirs n'existent pas. Mais est-ce vraiment ce qu'il affirme ? L'information ayant suscité des réactions et des affirmations parfois fantaisistes, la réponse mérite une analyse fine...
Stephen Hawking vient de réaliser un nouveau coup d'éclat médiatique dont il a le secret. On se souvient par exemple il y a quelques années des remous qu'il avait causés avec le boson de Brout-Englert-Higgs. Ses travaux sur la théorie des trous de ver l'avaient conduit à douter de la possibilité de découvrir cette fameuse particule au LHC. Il avait donc parié avec le physicien Gordon Kane qu'on ne l'observerait pas.
Cette année, deux semaines après son anniversaire, Hawking a déposé sur arxiv un article court et sans équations dans lequel il semble affirmer que les trous noirs n'existent pas. En réalité, le contenu de cet article a déjà été exposé sur Skype en août 2013, devant ses collègues, lors d'un colloque du Kavli Institute for Theoretical Physics, à Santa Barbara (Californie). Il concerne une solution à une énigme découverte il y a environ deux ans par Ahmed Almheiri, Donald Marolf, Joseph Polchinski et James Sully (AMPS) en réfléchissant au fameux paradoxe de l'information avec les trous noirs. Il s'agit donc d'un nouveau rebondissement dans la saga du problème du corps noir, liant de façon étroite la mécanique quantique, la relativité générale et la thermodynamique.
Présenté par Hubert Reeves et Jean-Pierre Luminet, Du Big Bang au vivant est un projet multiplateforme qui couvre les plus récentes découvertes dans le domaine de la cosmologie. Jean-Pierre Luminet explique ici l'histoire des découvertes théoriques des trous noirs. © Du Big Bang au vivant
Les travaux de Hawking sur la théorie des trous noirs, aussi bien du point de vue de la relativité générale classique qu'en utilisant les lois de la mécanique quantique, sont au cœur du paradoxe découvert par AMPS. Quelques rappels sur la théorie classique et quantique des trous noirs sont indispensables pour comprendre en quoi consiste ce paradoxe. Ils permettent aussi de prendre du recul par rapport aux déclarations récentes de Stephen Hawking.
L'effondrement gravitationnel des étoiles
Pendant longtemps, la communauté scientifique n'a pas pris au sérieux l'existence des objets que l'on appelle aujourd'hui des trous noirs, et qui étaient prédits par les équations de la relativité générale d'Einstein. Les choses ont commencé à changer quand au début des années 1960, une équipe aux États-Unis (un trio de physiciens qui avaient été impliqués dans la conception de la bombe H états-unienne) s'est attelée à un problème de simulation numérique bien précis. Michael Mayn, Richard White et Stirling Colgate ont mis à profit les compétences qu'ils avaient acquises en physique nucléaire, mécanique des fluides et théorie du transfert radiatif pour simuler sur ordinateur l'implosion d'une étoile de façon réaliste. Il s'agissait de vérifier les conclusions découlant des calculs simplifiés conduits par Robert Oppenheimer et Hartland Snyder à la fin des années 1930.
Presque au même moment, dans l'ex-URSS, l'un des concepteurs de la bombe H soviétique, le grand Yakov Zel'dovich, lance trois de ses collègues sur le même problème. Les deux équipes ont abouti à des résultats identiques. Au-dessus d'une certaine masse, rien ne peut plus stopper la contraction gravitationnelle d'une étoile, qui finit par franchir une surface sphérique dont la taille est donnée par le rayon de Schwarzschild. L'état final de la matière sous cette surface restait cependant problématique. Les calculs menés avec la relativité générale semblaient impliquer que la courbure de l'espace-temps augmentait en même temps que la densité de la matière pour finir par atteindre une valeur infinie : une