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Podcast : La recherche de la vie dans le Système solaire
Où chercher la vie, présente ou passée, dans le Système solaire ? Que nous ont appris les récentes missions spatiales à ce propos ? Et comment les chercheurs préparent-ils les explorations futures ? Réponses des spécialistes Véronique Vuitton et Olivier Poch !
Si astronomes et planétologues s’intéressent à Mars depuis plusieurs décennies, la notion d’habitabilité s’étend aujourd’hui à des corps célestes plus exotiques, comme les satellites de Jupiter ou de Saturne. Europe, Encelade, ou même Titan pourraient-elles héberger la vie ?
La question n’est plus tout-à-fait de la science-fiction et il apparaît de plus en plus clairement que l’exploration du Système solaire, a minima, peut nous aider à comprendre l’origine de la vie sur Terre.
De la planète rouge, vers où doit être lancé le rover Mars2020 à l'été 2020, aux lunes des planètes géantes, ce huitième épisode de notre série consacrée à l'origine de la vie est propose un panorama des recherches en cours, et à venir, dans le Système solaire.
Avec Véronique Vuitton, chargé de recherche au Cnrs, à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG.
Avec Olivier Poch, post-doctorant à l'IPAG.
Un podcast réalise en partenariat avec l’Université Grenoble Alpes et le projet « Origin of Life », financé par l’IDEX Université Grenoble Alpes.
Sur smartphone ou tablette, si vous n'utilisez pas Soundcloud, cliquez ci-dessous sur "Listen in browser"
Avez-vous écouté les 7 premiers épisodes de cette série ?
La surface glacée d'Europe, l'une des principales lunes de Jupiter, est épaisse de plusieurs kilomètres. En dessous, un océan d'eau. Depuis longtemps, les chercheurs soupçonnent que des panaches d'eau puissent s'en échapper. Sans pouvoir solidement le démontrer. Mais de nouveaux indices viennent d'être découverts dans d'anciennes données de la sonde Galileo.
Des panaches jaillissent parfois de la surface d'Encelade, l'une des principales lunes de Saturne. La mission Cassini en a pris des images saisissantes. Les astronomes imaginent qu'un phénomène similaire peut se produire du côté d'Europe, la lune de Jupiter. Que des panaches d'eau peuvent jaillir de l'océan prisonnier de l'immense banquise glacée qui recouvre sa surface. Mais il leur manque toujours des preuves réellement solides.
Plusieurs équipes de chercheurs ont avancé des indices indépendants. Lors d'un survol d'Europe par la sonde Galileo il y a 20 ans, le magnétomètre a par exemple montré des écarts dans le champ magnétique de Jupiter. Des écarts qui pourraient être dus à l'occurrence de tels panaches. Plus récemment -- voir article ci-dessous --, l'observation de vapeur d’eau sur la lune de la planète géante semblait aussi confirmer indirectement l'existence de ces panaches.
Cette fois, des chercheurs de l’Agence spatiale européenne, l'ESA, ont travaillé sur d'autres données envoyées par la sonde Galileo : celles du détecteur de particules énergétiques (EPD). L'instrument a, entre autres, enregistré la distribution des protons de haute énergie piégés dans le champ magnétique de Jupiter. Europe orbitant autour de la planète géante à l'intérieur de ce champ magnétique 20 fois plus fort que celui de la Terre, les chercheurs pensaient observer, près de la lune, un certain nombre de ces protons. Cela n'a pas tout à fait été le cas.
Les astronomes ont d'abord pensé qu'Europe avait malencontreusement obstrué la détection de ces protons par l'instrument. Mais les chercheurs de l'ESA ont analysé la situation à l'aide de simulations informatiques. Ils ont modélisé le mouvement des protons de haute énergie pendant le survol de Galileo. Leur objectif : reproduire les données enregistrées par l'EPD.
Et ils n'ont obtenu de résultat probant que dans l'hypothèse où un panache d'eau projeté vers l'espace était impliqué. Ce panache aurait en effet perturbé la mince atmosphère d'Europe et les champs magnétiques de la région. Ce faisant, il aurait modifié le comportement et la prévalence des protons à haute énergie sur la zone. Mais les chercheurs reconnaissent que de grandes incertitudes demeurent quant à ces conclusions.
Pour en avoir le cœur net, il faudra peut-être attendre 2022 et le départ d'une nouvelle mission en direction de Jupiter et de ses lunes. La mission Juice arrivera sur place en 2029. Elle sera équipée d'instruments qui lui permettront non seulement de détecter des panaches d'eau à distance, mais aussi d'échantillonner les particules qu'ils contiennent. Des données qui informeront les chercheurs sur l'habitabilité de l'océan caché d'Europe.
En combinant les données de l'observatoire Gemini à Hawaï, du télescope spatial Hubble et de la sonde spatiale Juno, une équipe d'astronomes a pu étudier en détail l'atmosphère et la météorologie de Jupiter.
Les orages sur Jupiter sont énormes par rapport à ceux sur la Terre, avec des nuages pouvant atteindre 65 kilomètres de haut, cinq fois plus que les nuages d'orage typiques sur notre Planète, et des éclairs pouvant libérer trois fois plus d'énergie que les plus intenses coups de foudre chez nous. Tout comme sur Terre, la foudre émet des ondes radio et de la lumière visible quand elle éclaire le ciel jovien.
Tous les 53 jours, Juno passe près des systèmes orageux de Jupiter et en détecte les signaux radio, ce qui permet de cartographier les éclairs y compris côté jour et des nuages profonds où les éclairs ne sont pas visibles autrement. À chaque fois, Hubble et Gemini capturent de loin des images globales à haute résolution de la planète, nécessaires pour interpréter les observations de Juno.
En liant les données des trois instruments, les chercheurs ont montré que l'apparition des éclairs était associée à la combinaison de nuages profonds faits d'eau, de grandes tours convectives produites par l'élévation d'air humide (en gros, des nuages d'orage) et de régions dégagées supposément produites par la descente d'air plus sec en dehors des tours convectives. Les données de Hubble montrent la hauteur des nuages épais dans les tours convectives ainsi que la profondeur des nuages d'eau profonds, alors que les données de Gemini révèlent les éclaircies dans les nuages d'altitude, où il est possible d'avoir un aperçu des nuages d'eau profonds.
Michael Wong pense que les éclairs sont courants dans des zones turbulentes nommées régions filamentaires pliées, ce qui laisse penser que de la convection humide s'y produit. Selon lui, ces vortex cycloniques pourraient être des « cheminées » aidant l'énergie interne à s'échapper par convection. La capacité à corréler les éclairs aux nuages d'eau profonds permet également d'estimer la quantité d'eau dans l'atmosphère jovienne, un élément important pour comprendre comment Jupiter et les autres planètes géantes se sont formées et, par suite, comment le Système solaire dans son ensemble s'est constitué.
Des trous dans la Grande Tache rouge
Les observations plus fréquentes de Hubble et Gemini ont également permis d'étudier des changements à court terme et des structures éphémères comme celles dans la Grande Tache rouge.
Les images de Juno et de missions antérieures ont révélé des structures sombres à l'intérieur de la Grande Tache rouge, qui apparaissent, disparaissent et changent de forme au cours du temps. Cependant, il n'était pas clair de comprendre si elles étaient produites par un matériau sombre indéterminé à l'intérieur de la couche nuageuse ou si elles étaient des trous dans les nuages hauts.
Les images de Hubble et Gemini prises à seulement quelques heures d'écart ont permis de constater que les régions sombres en lumière visible sont très brillantes en infrarouge, ce qui montre qu'elles sont des trous dans la couche nuageuse. Dans les régions sans nuage, la chaleur provenant de l'intérieur de Jupiter, émise sous forme d'infrarouges (autrement bloquée par les nuages hauts), peut s'échapper librement vers l'espace et apparaît donc brillante sur les images de Gemini.
Les images régulières de Hubble et Gemini se montrent également précieuses pour l'étude de nombreux autres phénomènes atmosphériques, parmi lesquels le changement de configuration des vents, les caractéristiques des ondes atmosphériques et la circulation de divers gaz dans l'atmosphère. Hubble et Gemini peuvent surveiller la planète entière, fournissant des cartes en temps réel dans plusieurs longueurs d'onde, qui servent de référence pour les mesures de Juno de la même façon que les satellites météorologiques d'observation de la Terre fournissent le contexte aux avions chasseurs d'ouragans de la NOAA. « Nous pouvons enfin commencer à regarder les cycles météorologiques », se réjouit Amy Simon, du Centre de vol spatial Goddard de la Nasa.
Étant donné l'importance des observations de Hubble et Gemini pour interpréter les données de Juno, Michael Wong et ses collègues ont rendu facilement accessibles aux autres chercheurs les données traitées. « Il y a tellement d'applications de [ce] jeu de données que nous ne pouvons même pas anticiper. Nous allons donc permettre à d'autres personnes de faire de la science sans cet obstacle d'avoir à trouver par eux-mêmes comment traiter les données », a déclaré Wong.
Une réponse à la question de l'inclinaison de l'axe d'Uranus a peut être été trouvée par une équipe de scientifiques japonais. Selon eux, la réponse résiderait dans un impact entre la planète et un autre corps glacé.
L'inclinaison d'Uranus, de ses lunes et de ses anneaux pourrait résulter de son impact avec un corps plantaire glacé.
NASA/JPL
Étrange Uranus. Il y a quelques temps, une analyse des vieilles données de la sonde Voyager 2 indiquait que la planète perdait une partie de son atmosphère à cause de son champ magnétique. Aujourd'hui, une équipe de scientifiques japonais a créé un modèle, publié le 30 mars 2020 dans la revue Nature, permettant d'expliquer l'axe singulier de la planète Uranus, de ses anneaux et de sa myriade de lunes.
Si la plupart des planètes de notre système solaire gravitent autour du Soleil dans la même direction et sur le même plan, possible vestige de la façon dont celui s'est formé à partir d'un disque de gaz et de poussière en rotation, Uranus est la seule à faire bande à part avec une inclinaison de son axe d'environ 98°.
Cette coquetterie planétaire a longtemps laissé perplexes les astronomes. L'équipe de chercheurs de l'Institut des sciences de la vie terrestre (ELSI), dirigée par le professeur Shigeru Ida, pourrait avoir une explication. Selon eux, la planète gazeuse aurait été heurtée par une planète glacée de 1 à 3 fois la taille de la Terre, faisant basculer celle-ci et créant dans un même temps son système d'anneaux et de lunes.
Différences entre la formation de notre Lune et celles d’Uranus
S'il y a de fortes chances pour que notre satellite se soit formé à la suite de la collision entre la Terre et un autre corps rocheux, il y a 4,5 milliards d'années, la formation du système des lunes d'Uranus pourrait être différent à cause de sa distance par rapport au Soleil.
La Terre est principalement formée, à cause de la chaleur inhérente à sa position proche du Soleil, d'éléments dits non-volatils, qui ne forment pas de gaz aux pressions et températures normales de la Terre et qui sont principalement des roches. En revanche, et pour la raison inverse, Uranus est constituée d'éléments volatils, comme l'eau ou l'ammoniac par exemple, et qui sont gelés en permanence. Lors de l'impact de la Terre avec Thea, le corps ayant supposément mené à la création de la Lune, les débris se sont vaporisés mais pour rapidement se solidifier. La matière rocheuse solidifiée s'est alors agrégée à la Terre ou à la Lune.
Dans le cas d'Uranus, si le résultat de l'impact a également mené à une vaporisation des débris, les températures glaciales ont maintenu ceux-ci à l'état gazeux pendant plus longtemps. Peu à peu, la majeure partie de ces débris a rejoint le masse la plus importante, qui deviendrait Uranus, et les restes ont quant à eux formé le système de lunes, 27 au total, de la planète.
L’inclinaison des lunes : une preuve irréfutable
Mais selon le professeur Ida, la preuve irréfutable qu'Uranus a bien été heurtée par un autre corps planétaire réside dans son système de lunes. Si l'impact a fait basculer la planète sur son axe, ses 27 satellites évoluent également sur ce plan incliné, ce qui permet de penser que ceux-ci ont bien été formés à la suite d'une collision.
Le modèle créé par les chercheurs pourrait aider à expliquer la configuration d'autres planètes glacées dans notre système solaire, comme Neptune par exemple, mais pourrait également être utilisé pour comprendre la formation des exoplanètes de type super-terre, constituées en grande partie de glace d'eau.
L'inclinaison d'Uranus, de son système de satellites et d'anneaux est communément expliquée par un impact géant, mais jusqu'à présent, les modèles ne parvenaient pas à reproduire la masse et la dimension de ces anneaux. Un nouveau modèle, présenté par une équipe d'astronomes japonais, semble y parvenir.
La planète Uranus est connue, entre autres, pour l'inclinaison importante de son axe de rotation donnant l'impression de « rouler » sur son orbite comme une balle au sol. L'explication la plus communément admise pour expliquer cette inclinaison est un impact géant. Le fait que l'orbite des satellites et les anneaux d'Uranus soient alignés avec l'équateur de la planète, et donc inclinés de la même façon (c'est-à-dire presque perpendiculaires à l'orbite de la planète), laisse penser qu'ils tirent leur origine de cet impact. Cependant, les simulations réalisées jusqu'à présent prédisaient un disque de l'ordre de dix fois plus petit et cent fois plus massif que ce qui est observé actuellement.
Une nouvelle étude, réalisée par les astronomes japonais Shigeru Ida, Shoji Ueta, Takanori Sasaki et Yuya Ishizawa et publiée ce lundi 30 mars 2020 dans Nature Astronomy, présente un modèle théorique dans lequel la formation des satellites d'Uranus est régulée par l'évolution du disque produit par l'impact. Le modèle est contraint par la période de rotation de la planète, 17,2 heures, et l'inclinaison de son axe, 98 degrés.
Étant donné que la température de vaporisation de l'eau est relativement faible et que, en raison de leur distance au Soleil, tant Uranus que l'impacteur étaient vraisemblablement constitués essentiellement de glaces, le disque produit par l'impact a certainement été en grande partie vaporisé. Le modèle prédit que le disque a perdu une quantité importante de vapeur d'eau et s'est étendu jusqu'à atteindre les dimensions du système uranien actuel, jusqu'à ce que le disque refroidisse suffisamment pour que la vapeur se condense sous forme de glace et que l'accrétion de particules glacées commence. À partir de la distribution prédite des glaces condensées, une simulation à N corps a permis de reproduire la configuration masse-orbite des satellites d'Uranus.
Ce scénario contraste avec le modèle de l'impact géant supposé être à l'origine de la formation de la Lune. En effet, dans le cas du satellite de la Terre, environ la moitié du disque condensé (solide ou liquide) compact produit par l'impact a immédiatement été incorporée à la Lune lors de l'impact.
Un modèle aussi pour d'autres planètes
Selon les auteurs de l'étude, leur modèle fournit un scénario général pour la formation des satellites de géantes de glaces, scénario qui est complètement différent de ceux pour la formation des satellites des géantes gazeuses ou des planètes telluriques. Notamment, leur modèle pourrait s'appliquer aux régions internes du système neptunien, où les perturbations de Triton (que l'on pense être une planète naine capturée par Neptune) auraient été faibles. Les observations semblent par ailleurs montrer que nombre d'exoplanètes de type superterre seraient constituées de grandes quantités de glace d'eau, donc ce modèle pourrait aussi donner un aperçu des satellites glacés auxquels on pourrait s'attendre autour de ces planètes.