VESTA
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LE 2.03.2020: Actualité de la météo,de l'astronomie et de la science/ Le grand astéroïde Vesta a eu une activité volcaniqu.
- Par dimitri1977
- Le 02/03/2020
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Le grand astéroïde Vesta a eu une activité volcanique durant 30 millions d'années
Laurent Sacco
Journaliste
De nouvelles mesures concernant des météorites en provenance de l'astéroïde Vesta laissent penser que de nombreuses coulées de lave y étaient produites par des volcans pendant au moins les 30 premiers millions d'années de son existence. C'est plus long que ce que prévoyaient des modèles et incite à repenser l'histoire du volcanisme précoce dans le Système solaire il y a plus de 4,5 milliards d'années.
Lorsque l'astronome allemand Heinrich Olbers a découvert le 29 mars 1807 l'astéroïde Vesta, il ne pouvait pas se douter qu'il serait un jour visité par un émissaire de l'Humanité, la sonde Dawn de la Nasa qui l'a étudié de près, de juillet 2011 à août 2012, avant de partir en direction de la planète naine Cérès. Dawn a révélé une surface fortement cratérisée pour ce corps céleste qui est devenu le plus grand des astéroïdes de la ceinture principale du Système solaire entre Mars et Jupiter. Ce titre était autrefois détenu par Cérès avant qu'on ne le requalifie en planète naine.
Olbers ne pouvait pas savoir non plus qu'avec une taille moyenne d'environ 530 kilomètres, Vesta serait considéré au XXe siècle comme un représentant fossile des planétésimaux, ces petits corps célestes dont les tailles sont grossièrement comprises entre 10 et 1.000 kilomètres et qui ont été introduits dans les théories cosmogoniques des planètes, d'abord par Chamberlin et Moulton, et surtout par la suite par Viktor Safronov. C'est en entrant en collision sous l'effet de leurs forces d'attraction gravitationnelle que les planétésimaux ont donné naissance aux embryons de planètes puis aux planètes elles-mêmes. On saisit donc tout l'intérêt de l'étude de Vesta par Dawn pour comprendre plus finement la genèse du Système solaire il y a environ 4,56 milliards d'années.
Une animation en 3D de la surface de Vesta. © Nasa Visualization Technology Applications and Development (VTAD)
Des météorites analogues aux basaltes sur Terre
Dawn a confirmé par ses analyses spectrales de la composition minéralogique de la surface de Vesta ce que l'on savait déjà à partir d'instruments similaires équipant les télescopes terrestres depuis des décennies, à savoir la présence de roches ignées témoins d'une activité volcanique et magmatique passée. Mieux, les spectres obtenus sont très semblables à ceux d'un groupe de trois types de météorites achondrites bien connues sur Terre depuis longtemps et dont la provenance, en raison notamment de la similarité des spectres, était déjà attribuée à Vesta, les météorites HED (pour Howardites-Eucrites-Diogénites).
Les eucrites sont très similaires aux basaltes que l'on peut trouver sur Terre, par exemple sous la forme des coulées de lave des volcans hawaïens. Elles sont essentiellement constituées de petits cristaux de pyroxène et de plagioclase, ce qui implique un refroidissement rapide alors que les diogénites, également constituées de pyroxène et de plagioclase, avec un peu d'olivine, ont des cristaux de taille nettement supérieure. Ce qui implique un refroidissement bien plus lent et suggère donc que les diogénites proviennent des profondeurs de Vesta et qu'elles ont été excavées par de très violents impacts, ceux-là mêmes qui ont formé les grands cratères à la surface de Vesta. Les howardites sont, elles, des brèches composées de fragments d'eucrites et de diogénites, avec parfois quelques chondres carbonés.
Les météorites HED (howardites-eucrites-diogénites) sont un grand groupe de météorites qui proviendraient de Vesta, une hypothèse qui est cohérente avec les observations actuelles de Dawn. Les eucrites sont des laves cristallisées qui ont la composition du basalte, le type de lave le plus courant sur Terre. Les eucrites QUE 97053 (à gauche) et EET 90020 (à droite), illustrées ici, ont été récupérées en Antarctique. Ces images sont de fines tranches de météorites vues au microscope polarisant. Les barres blanches des images, d'une longueur de 2,5 mm chacune, indiquent l'échelle. Lorsque la lumière polarisée passe à travers de fines tranches de roche, les minéraux ont des couleurs différentes. Des eucrites comme celles-ci représentent une partie de la surface de Vesta. Leurs compositions peuvent être comparées aux observations de divers instruments à bord de Dawn. © Nasa
Les eucrites ont donc été émises par une activité volcanique importante puisqu'une bonne partie de la surface de Vesta en est couverte. Complétées par l'étude du champ de gravité de Vesta par Dawn, toutes ces données indiquent que l'astéroïde est un corps différencié, comme la Terre, possédant un noyau dense de nickel et de fer dont le diamètre serait compris entre 214 et 226 kilomètres, un manteau et une croûte. On peut donc considérer que Vesta a conservé figé un aperçu de la façon dont les corps planétaires rocheux, y compris la Terre, se refroidissaient, se solidifiaient et se formaient au cours des premières dizaines de millions d'années de l'histoire du Système solaire.
Maintenant, il faut savoir qu'on a de bonnes raisons de penser que bien des planétésimaux au début de l'histoire du Système solaire ont été chauffés fortement et rapidement, au point de développer des volcans, essentiellement par la désintégration d'un isotope de l'aluminium à courte durée de vie, l'aluminium 26. Il aurait été produit par l'explosion d'une étoile en supernova, dont l'onde de choc aurait provoqué l'effondrement de la nébuleuse protosolaire qui allait devenir le jeune Soleil entouré d'un disque protoplanétaire, dans lequel se retrouvait l'isotope radioactif de l'aluminium. Plus le contenu en 26Al des corps rocheux était important, donc leur taille, plus la production de chaleur était importante.
Une coupe de l'eucrite Northwest Africa 1836 trouvée au Maroc. © Meteorites Australia, www.meteorites.com.au.
Des poches survivantes d'un océan de magma
Des planétologues cosmochimistes de l'Université Curtin en Australie-Occidentale viennent de faire parler des eucrites trouvées en Antarctique en les datant plus précisément par spectrométrie de masse au moyen des abondances des isotopes 40Ar/39Ar, une méthode de datation radiométrique dite Argon-Argon, qui affine la méthode de datation par le potassium-argon. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Geochimica et Cosmochimica Acta.
Le professeur Fred Jourdan, de l'école des sciences de la Terre et des planètes de l'Université Curtin, explique certains des résultats en ces termes dans un communiqué de l'Université :
« Les données ont révélé que Vesta était volcaniquement active pendant au moins 30 millions d'années après sa formation initiale, qui s'est produite il y a 4.565 millions d'années. Bien que cela puisse sembler court, c'est en fait beaucoup plus long que ce que la plupart des autres modèles numériques prédisaient, c'était inattendu pour un si petit astéroïde. »
Pour cette raison, Fred Jourdan ajoute : « Considérant que tous les éléments radioactifs fournissant de la chaleur se seraient complètement désintégrés à ce moment-là, nos recherches suggèrent que des poches de magma devaient avoir survécu sur Vesta, et étaient potentiellement liées à un océan de magma partiel en refroidissement lent situé à l'intérieur de la croûte de l'astéroïde. »
Trudi Kennedy, collègue de Fred Jourdan, ajoute également : « Nos données consolident l'hypothèse selon laquelle les premières coulées de lave des éruptions sur Vesta ont été enfouies profondément dans sa croûte par des coulées de lave plus récentes, essentiellement en se superposant les unes sur les autres. Elles ont ensuite été "cuites" par la chaleur du manteau de la protoplanète, modifiant les roches... C'est très excitant pour nous, car nos mesures apportent de nombreuses nouvelles informations sur les 50 premiers millions d'années environ de l'histoire ancienne de Vesta, que tous les futurs modèles devront désormais prendre en compte. Cela laisse également penser maintenant que si le volcanisme pouvait durer plus longtemps qu'on ne l'imaginait sur une protoplanète, alors peut-être que le volcanisme sur la Terre primitive elle-même aurait pu être plus énergétique que nous ne le croyons actuellement. »