Le 24 février 2020, la mathématicienne et informaticienne américaine Katherine Johnson décède à l'âge de 101 ans, laissant derrière elle l'héritage de son génie, mis au profit de nombreuses missions spatiales, qui permis notamment à Apollo 11 d'envoyer les premiers hommes sur la Lune. Elle demeurera dans les consciences pour son inestimable contribution au travail de la Nasa, ainsi que pour son infaillible dévouement à la cause féminine et à celle des minorités pour lesquelles elle ne cessa jamais de se battre. La Nasa lui a rendu hommage dans de nombreux tweets et dans une page dédiée à la célébration de ses accomplissements.
With slide rules and pencils, Katherine Johnson’s brilliant mind helped launch our nation into space.
No longer a Hidden Figure, her bravery and commitment to excellence leaves an eternal legacy for us all: https://youtu.be/E8wBJ71zJ34
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Katherine Johnson, poussée par sa passion pour les mathématiques
Née le 26 août 1918 en Virginie-Occidentale de parents d'origine africaine, dans une Amérique qui respecte encore des lois ségrégationnistes, Katherine Johnson, née Coleman, fait rapidement preuve d'une incroyable aisance avec les nombres. Avec plusieurs années d'avance sur ses camarades, elle obtient son diplôme de fin de lycée à 13 ans, avant d'intégrer l'université d'État de Virginie-Occidentale. A l'âge de 18 ans, diplômée d'un baccalauréat (l'équivalent de la licence) de mathématiques et d'un autre de français, elle débute une carrière dans l'enseignement en école publique.
En 1939, elle est sélectionnée avec deux autres étudiants afro-américains pour accéder au programme de deuxième cycle de mathématiques offert par l'université de Virginie-Occidentale. Une opportunité qu'elle décide d'abandonner au bout d'une session pour fonder une famille avec son époux James Goble. En 1952, un proche lui signale des postes vacants dans la section informatique de la zone ouest du laboratoire de Langley du Comité consultatif national pour l'aéronautique (National Advisory Committee for Aeronautics' ou NACA).
Johnston intègre cette équipe entièrement constituée de femmes noires, dont le travail consiste à effectuer manuellement des calculs complexes pour les ingénieurs, durant l'été 1953. Elle passe les quatre années qui suivent à analyser les données d'essais en vol et à enquêter grâce à la boite noire sur un accident d'avion causé par des turbulences de sillage. En 1956, son mari décède d'un cancer. Puis, en 1957, l'Union soviétique lance en orbite le satellite Sputnik, premier satellite artificiel de l'Histoire. L'URSS creuse l'écart avec les Etats Unis dans la course à l'espace qui oppose les blocs soviétiques et américains, un coup dur qui mène, l'année suivante, à l'incorporation de la NACA à la National Aeronautics and Space Administration (NASA), pour laquelle Johnston travaillera jusqu'en 1986.
Mathematician. Leader. Heroine.
Katherine Johnson not only helped calculate the trajectories that took our Apollo astronauts to the Moon — she was champion for women and minorities in the space program and the world as a whole. We honor her memory today. https://go.nasa.gov/2HPnx31
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Un cerveau auquel la NASA doit les calculs de nombreuses missions
A partir de 1958, Katherine Johnson travaille pour le Space Task Group, un groupe entièrement blanc et masculin au sein duquel ses connaissances en géométrie analytique lui permettent de faire ses preuves. Elle prend le nom de son nouveau mari James A. Johnson, l’année qui suit. En 1960, elle a coécrit avec l'ingénieur Ted Skopinski un rapport dans lequel ils inscrivent les équations qui décrivent la trajectoire d’un vol spatial orbital. C’est la première fois qu'une femme est créditée comme auteure d'un rapport de recherche. 26 rapports de recherche se succèderont durant le reste de sa carrière.
En 1961, elle fait des calculs de trajectoire pour la mission Freedom 7 d'Alan Shepard, qui permet pour la première fois aux américains un humain dans l’espace. Johnson contribue au reste du programme Mercury de 1961 à 1963, qui continue sur la lancée de Freedom 7. Son palmarès déjà impressionnant est complété en 1962 par le travail pour lequel elle restera connue : la mission Friendship 7. L’astronaute John Glenn lui demande de vérifier les calculs informatiques de la trajectoire de sa capsule du décollage à l’entrée en orbite, soucieux à l’idée de confier son destin à des ordinateurs sensibles à de nombreux facteurs comme des coupures d’électricité. "Si elle dit qu'ils sont bons, alors je suis prêt à partir", entend Jonhson de la part de Glenn dont la confiance porte ses fruits : le vol est un succès et marque un tournant dans la compétition entre les États-Unis et l'Union soviétique dans l'espace. En 1969, elle fait partie de l’équipe qui calcule les trajectoires du module lunaire Apollo lors de sa remontée de la surface de la Lune.
Une femme de couleur qui a brisé bien des barrières
Femme de couleur, Katherine Johnson a su, par son intelligence et sa persévérance se faire une place dans un milieu d’hommes blancs. Elle est de nombreuses fois récompensée pour ses accomplissements au fil de sa carrière, notamment en 2015, lorsque le président américain Barack Obama lui octroie la médaille présidentielle de la liberté, la plus haute distinction civile américaine. Le Centre de recherche informatique Katherine G. Johnson sort officiellement de terre en 2016, un hommage à son travail auquel Johnson a réagi en 2017. Finalement, la carrière de Johnson est retracée dans Hidden Figures : The American Dream and the Untold Story of the Black Women Mathematicians Who Helped Win the Space Race, ainsi que celle de Dorothy Vaughan et Mary Jackson. Le film Hidden Figures basé sur ce livre sort la même année. Par son travail et son dévouement aux mathématiques et à la conquête spatiale, Johnson a brisé les barrières de race et de genre qu’elle n’a pas laissées étouffer son génie. Et la Nasa, mais aussi les femmes et les personnes de couleur, l’en remercient.