LE 18.07.2020: Actualité de l'astronomie / Une naine blanche propulsée à 900.000 km/h par une supernova.
- Par dimitri1977
- Le 18/07/2020 à 13:16
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Une naine blanche propulsée à 900.000 km/h par une supernova
Laurent Sacco
Journaliste
Une étrange naine blanche à la composition atypique fonce à travers la Voie lactée à une vitesse vertigineuse. Elle est probablement la pointe émergée d'un type de supernovae encore inobservé directement, bien que proche des SN Ia.
C'est une règle souvent vérifiée. L'étude des objets dans l'Univers, des atomes aux étoiles, montre qu'ils sont plus diversifiés et plus complexes qu'on ne le croyait au début. Un bon exemple en astronomie est ce que l'on a appelé pendant plusieurs siècles depuis Tycho Brahe et Johannes Kepler, célèbres bâtisseurs du Ciel, des « nouvelles étoiles », en abrégé des novae, à partir du latin stella nova qui signifie « nouvelle étoile ». Mais il faudra attendre les années 1930 et les travaux de Walter Baade et Fritz Zwicky pour que l'on se rende compte des différences existantes entre les novae et les supernovae. Rapidement, furent également découvertes les premières sous-classes de supernovae aujourd'hui célèbres, les SN I et les SN II de la fameuse classification conçue par l'astronome germano-américain Rudolph Minkowski et l'astronome suisse Fritz Zwicky.
Extrait du documentaire Du Big bang au Vivant (ECP Productions, 2010). Jean-Pierre Luminet parle de l'évolution des étoiles de type solaire, leur transformation en géantes rouges puis en naines blanches. © Jean-Pierre Luminet
Les supernovae SN Ia et les SN II
Les SN Ia sont des explosions thermonucléaires de naines blanches dans des systèmes binaires alors que les SN II, bien plus puissantes, sont des explosions produites par des étoiles bien plus lourdes que le Soleil et qui s'effondrent gravitationnellement en donnant des étoiles à neutrons, ou des trous noirs si elles sont assez massives. Dans tous les cas, les différences entre supernovae (d'autres allaient être mises en évidence jusqu'à nos jours encore), se trouvent au niveau du spectre traduisant la présence de certains éléments dans la lumière des explosions et dans les variations et les durées des intensités lumineuses (les courbes de lumière) de ces cataclysmes stellaires.
Ainsi, les supernovas de type I ont un spectre qui ne contient pas d'hydrogène alors que les supernovas de type II ont un spectre qui en contient. Parmi les supernovas de type I, on distingue trois sous-classes, de sorte que si le spectre montre la présence de silicium, on parle de type Ia mais si le spectre n'en montre pas, on regarde l'abondance d'hélium. En présence d'une quantité notable d'He, on parle de type Ib et inversement, en présence de faible quantité d'hélium, on parle de type Ic.
Notons que certaines SN I sont en fait des exemples de supernovae avec effondrement gravitationnel et d'autres sont des collisions de naines blanches. Or, voici qu'un article publié dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, également en accès libre sur arXiv, illustre un nouvel avatar de la règle mentionnée au début de ce texte. Une équipe internationale d'astronomes y avance une conclusion étonnante tirée de l'étude d'une naine blanche atypique du nom de SDSS J1240+6710, découverte en 2015 dans le cadre du fameux Sloan Digital Sky Survey.
Extrait du documentaire Du Big bang au Vivant (ECP Productions, 2010). Jean-Pierre Luminet parle de la mort des étoiles massives, leur explosion en supernova et la formation de pulsars. © Jean-Pierre Luminet
En conjuguant des observations spectroscopiques faites avec Cosmic Origin Spectrograph du mythique télescope Hubble et des observations astrométriques conduites avec le satellite Gaia, SDSS J1240+6710 s'est révélée avoir une atmosphère à la composition étrange et posséder une vitesse vertigineuse qui la fait foncer à travers la Voie lactée dans le sens inverse de sa rotation à 900.000 kilomètres par heure.
En effet, la majorité des naines blanches ont des atmosphères composées presque entièrement d'hydrogène ou d'hélium, avec occasionnellement des traces de carbone ou d'oxygène issus du cœur de ces étoiles et qui sont montés en surface du fait de mouvements de convection, malgré la stratification imposée par la forte gravité de ces astres compacts, conduisant les éléments les plus lourds produits par la nucléosynthèse stellaire à rester vers le centre de ces étoiles.
Or, l'atmosphère de SDSS J1240+6710 ne semble contenir ni hydrogène ni hélium, mais est bien plutôt composée d'un mélange inhabituel d'oxygène, de néon, de magnésium et de silicium. L'analyse spectrographique menée avec Hubble, montre également la présence de noyaux de carbone, sodium et l'aluminium dans l'atmosphère de l'étoile, qui sont tous produits lors des premières réactions thermonucléaires d'une supernova mais paradoxalement une nette absence de ce que l'on appelle le « groupe du fer » des éléments : le fer, le nickel, le chrome et le manganèse. Ces éléments lourds sont normalement synthétisés à partir des éléments plus légers suite à l'occurrence d'une supernova SN Ia, laquelle détruit complètement la naine blanche normalement.
Une naine blanche qui a survécu à son explosion en supernova
Tous ses éléments semblent contradictoires mais on peut résoudre l'énigme en supposant qu'il existe un nouveau scénario encore inconnu en ce qui concerne l'évolution des étoiles du point de vue de l'astrophysique nucléaire et qui conduit parfois à un type de supernova encore jamais observé et qui se serait produit dans le cas de SDSSJ1240+6710. Si tel est bien le cas, cette curieuse naine blanche serait la pointe émergée d'une population de supernovae qu'il nous reste à surprendre en acte. Mais quel serait ce nouveau scénario ?
Une animation montrant le modèle standard pour une SN Ia, voir les explications ci-dessous. © CAASTRO
Le modèle classique pour une SN Ia est le suivant. Tout commence dans un système binaire ou une étoile un peu plus massive que l'autre, mais ne dépassant pas les 8 à 10 masses solaires, évolue plus rapidement en devenant d'abord une naine rouge. Cela la conduit à perdre de la masse avec des vents violents, pour finir par laisser un cadavre stellaire sous la forme d'une naine blanche contenant moins de 1,44 fois la masse du Soleil.
Si les deux étoiles sont assez proches l'une de l'autre quand la seconde devient à son tour une géante rouge, les forces de marée gravitationnelles de la première lui arrachent de la masse. Il se forme un disque d'accrétion autour de la naine blanche qui voit sa masse augmenter en avalant, pour former ses couches extérieures, de l'hydrogène et de l'hélium alors que son cœur contient beaucoup de carbone et d'oxygène. Une série de réactions thermonucléaires s'enclenchent en s'emballant quand la masse de la naine blanche atteint 1,44 fois celle du Soleil et une explosion thermonucléaire se produit alors, détruisant totalement la naine blanche et laissant un reste de supernova, comme on peut le voir dans l'animation de la vidéo ci-dessus.
Dans le cas de SDSSJ1240+6710, l'explosion n'aurait pas été suffisamment forte car les réactions thermonucléaires ne se seraient pas suffisamment emballées et n'auraient pas été aussi loin que d'habitude. On explique ainsi pourquoi on observe une naine blanche de seulement 40 % de la masse du Soleil, avec une atmosphère qui n'est pas celle d'une naine blanche isolée avec une couche supérieure d'hydrogène et d'hélium, tout en contenant certains des noyaux lourds attendus par les réactions de fusion thermonucléaire conduisant à une SN Ia standard. L'explosion a soufflé une partie de la masse de l'étoile qui repasse en dessous de 1,44 masse solaire.
Enfin, en perdant brutalement de la masse, le moment cinétique total du système binaire et sa conservation impose à la naine blanche d'être catapultée à grande vitesse comme un objet lancé avec une fronde, d'où la vitesse observée pour SDSSJ1240+6710.
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